Constitution pour un État sanitocratique

« Mais personne ne prévoyait ces conséquences au temps où la bourgeoisie de Thalburg votait à une écrasante majorité pour l’avènement de Troisième Reich. Et c’est peut-être la leçon la plus significative que l’on doit tirer de l’expérience de cette petite ville allemande pendant et juste avant la prise de pouvoir par les nazis. Sur place, presque personne ne réalisait ce qui se passait. On ne se rendait pas compte de ce que Thalburg allait connaître si Hitler venait au pouvoir ; on n’avait pas vraiment compris ce qu’était le nazisme.

Les sociaux-démocrates se révélèrent incapables d’entendre tout ce que comportait le concept de nazi. Les juifs et les luthériens, qui devaient, les uns et les autres, souffrir si cruellement sous le fouet nazi, ne le comprenaient pas non plus ; et pas davantage certains dirigeants du NSDAP lui-même, tel Walther Timmerlah. Chaque groupe discernait bien tel ou tel aspect du nazisme, mais aucun ne le saisissait dans toute son ampleur et dans toute son horreur. Cela n’apparut que plus tard ; et même là cela ne fut pas sensible à tout le monde. Le problème du nazisme fut essentiellement un problème de perception. À cet égard, on peut se demander si l’histoire de Thalburg se renouvellera… D’autres hommes, dans d’autres villes, rencontreront-ils des difficultés du même ordre et dans des circonstances semblables ? Le remède ne sera pas facile à trouver. »

(William S. Allen, Une petite ville nazie, p. 373-374.)

La comparaison de la situation actuelle avec la montée du nazisme choquera certains. Comment pourrait-on comparer les horreurs du nazisme avec ce qui se passe actuellement ? Mais ce n’est pas de quoi il s’agit. Il n’est pas question ici de comparer la persécution dont ont été victimes les juifs, mais aussi les tziganes, les homosexuels, les slaves et les opposants politiques, avec les pressions discriminatoires dont les non-vaccinés sont actuellement la cible. Il n’est pas non plus question ici de comparer l’idéologie nazie et l’idéologie sanitaire, bien qu’on puisse assurément remarquer certaines ressemblances, comme cela tend à se produire avec différentes formes d’autoritarisme. Il s’agit seulement de nous dire que les sociétés occidentales sont peut-être à un point tournant de leur histoire, ce qui échappe à la plupart d’entre nous. Des démocraties très imparfaites qu’elles étaient, elles s’enfoncent progressivement dans l’autoritarisme, comme c’est arrivé en Allemagne au début des années 1930. Les événements qui se sont produits depuis vingt mois, et plus particulièrement en Europe et en Australie depuis une dizaine de jours, devraient nous faire réfléchir. À Rotterdam, la police a tiré avec de vraies balles sur des manifestants opposés aux mesures sanitaires et au passeport vaccinal, comme si elle ne disposait d’autres moyens de disperser une foule à son avis hors de contrôle et dangereuse. En Autriche, en plus d’un confinement visant d’abord seulement les non-vaccinés et ensuite les vaccinés, l’obligation vaccinale a été décrétée, les personnes qui n’obtempèrent pas devant être emprisonnées et payées des amendes. En Australie, le premier ministre de Victoria s’efforce de faire adopter un projet de loi qui lui permettrait de déclarer encore plus arbitrairement l’urgence sanitaire et d’adopter encore plus facilement toutes sortes de mesures contraignantes et punitives sous prétexte de santé publique, alors que l’armée commence à transférer des personnes qui seraient infectées, ou qui auraient été en contact avec des personnes infectées, dans des camps de quarantaine d’abord utilisés pour les voyageurs qui revenaient au pays, le tout en leur faisant payer quelques milliers de dollars pour leur détention. Il est craindre que des choses semblables se produisent ici aussi tôt ou tard, avec plus ou moins de radicalité, les autorités politiques et sanitaires des différents pays ayant manifestement toutes pris goût aux pouvoirs exceptionnels qu’elles se sont accordés elles-mêmes et tendant à s’imiter les unes les autres.

Il importe certainement de signaler des différences de la situation actuelle avec la montée du nazisme au début des années 1930. Les nazis cherchaient à obtenir le pouvoir, par un mélange de bagarres, de propagande, d’infiltration des institutions et de campagnes électorales ; nos autorités politiques et sanitaires règnent déjà et détiennent de grands pouvoirs qu’elles peuvent exercer arbitrairement. Les nazis formulaient ouvertement des projets politiques (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne trompaient pas le peuple allemand grâce à la propagande) ; nos autorités politiques et sanitaires prétendent seulement réagir à une crise dite sanitaire qui leur permet, entre autres, de restreindre indéfiniment nos droits et nos libertés et d’affaiblir nos institutions démocratiques. Les sociaux-démocrates allemands des années 1930, malgré leur mauvaise compréhension de ce qu’était ou de ce qu’allait devenir le nazisme, ont malgré tout lutté contre les nazis, parfois férocement ; les sociaux-démocrates actuels se sont non seulement ralliés aux autorités politiques et sanitaires, mais ils trouvent parfois que le gouvernement n’en fait pas assez et ils condamnent même les mouvements d’opposition, ne chicanant que sur des points particuliers, et presque toujours sans vigueur. La montée du nazisme a été un phénomène national, même si d’autres formes de fascisme ont pu conquérir le pouvoir dans les années 1920 ou 1930 dans d’autres pays, comme l’Italie ou l’Espagne ; le règne des autorités politiques et sanitaires a commencé simultanément dans presque tous les pays occidentaux, durent depuis et semblent devoir se poursuivre indéfiniment, puisqu’on ne sait pas ce qu’il faudrait ou ce qui devrait arriver pour qu’elles se départissent des pouvoirs exceptionnels que leur procurent la déclaration et le prolongement de l’état d’urgence sanitaire, puisqu’elles s’appuient les unes les autres. Bref, si on s’en tient à ces quelques différences, il se pourrait bien que la marche vers un autoritarisme grandissant soit encore plus difficile à contre-carrer maintenant qu’elle ne l’était au début des années 1930 en Allemagne.

Ce que je me propose ici, c’est de donner, sous la forme d’une constitution fictive, une expression suivie et systématique des pouvoirs que les autorités politiques et sanitaires détiennent ou pourraient détenir, ainsi que des droits, des devoirs et des interdictions qui en résultent ou pourraient en résulter pour nous. J’espère ainsi donner à mes lecteurs et à moi-même une idée plus précise de ce qu’est ou de ce que pourrait devenir le régime politique auquel je donne le nom de sanitocratie.

Un dernier mot : c’est à dessein que je mets dans cette constitution des choses qui ne devraient, en temps normal, absolument pas s’y trouver. C’est que les partisans de la sanitocratie entendent fonder leur conception de la politique sur des principes qui non seulement ne devraient pas apparaître dans la constitution d’un État démocratique, mais qui ne devraient pas avoir non plus leur place dans ses lois.

Constitution pour un État sanitocratique