Considérations stratégiques sur le mouvement d’opposition des camionneurs et des citoyens aux mesures soi-disant sanitaires (2)

Je continue les considérations stratégiques faites dans un autre billet, à propos du mouvement d’opposition des camionneurs, qui en fait n’est pas seulement un mouvement de camionneurs, mais un mouvement de citoyens. Je précise qu’en faisant ces considérations, je ne suppose pas que ces citoyens n’y ont jamais réfléchi. En fait, la conférence de presse à laquelle a participé Benjamin Dichter montre plutôt le contraire. Toutefois, je crois qu’il est utile de développer et d’étayer davantage ces idées, et de proposer aussi des pistes de solutions.

 

Insuffisance du départ de Trudeau, de Legault et des autres

Je suis d’accord avec les manifestants qui veulent obtenir le départ de Trudeau, de Legault et de tous les autres qui nous privent de nos droits et de nos libertés depuis presque deux ans. Après tous les mensonges et tous les abus d’autorité dont ils se sont rendus coupables, nous ne pouvons absolument pas leur faire confiance.

Même si Legault a abandonné, avant même de le présenter à l’Assemblée nationale, son projet de loi sur une « contribution santé » supplémentaire exigée des personnes non vaccinées, en disant qu’il ne veut pas diviser encore plus la société québécoise et provoquer des débats houleux, nous ne devons pas supposer qu’il a abandonné cette idée, ou du moins qu’il ne la remettra pas sur la table si l’occasion se présente. C’est ce qui pourrait se produire quand un nouveau variant supposément plus contagieux arrivera au Québec, ou après les élections prévues à l’automne 2022 (qu’il a de bonnes chances de remporter), puisqu’il n’aurait plus à se soucier de ce que pensent et veulent les électeurs jusqu’aux élections suivantes, qui devraient avoir lieu en 2026. Le projet de loi étant déjà rédigé, le gouvernement Legault pourrait facilement décider de le ressortir, en y apportant quelques petits ajustements pour tenir compte de l’évolution de la situation sociale et politique.

Et on pourrait dire la même chose de Trudeau s’il décidait de faire marche arrière – bien qu’il dise ne pas être intimidé par les camionneurs, ce qui ne l’a pas empêché de déserter la capitale canadienne – en ce qui concerne l’obligation vaccinale visant les camionneurs, les employés de la poste, les fonctionnaires fédéraux, les voyageurs et les usagers des transports ferroviaires et aériens à l’intérieur du pays. Car il pourrait décider, à la première occasion, de revenir sur sa décision et ordonner à nouveau l’entrée en vigueur des mesures qu’il a lui-même annulées après les avoir mises en place lui-même. Une grande partie ayant été habituée d’être privée de ses droits et de ses libertés en fonction du cycle des saisons et de ce que disent les autorités politiques et sanitaires de l’évolution sanitaire, il me semble que tel retour en arrière serait assez facile à réaliser.

Ce qui a été dit de Trudeau et de Legault peut aussi être dit des autres premiers ministres provinciaux. Tant qu’ils conservent le pouvoir, nous sommes toujours exposés à voir nos droits et nos violés même si on nous les rendait en partie ou en totalité. Il importe donc de retirer le pouvoir à toutes ces personnes qui en abusent, afin que des personnes qui en feront un meilleur usage l’exerce.

Mais nous ne devons pas nous illusionner : les principaux partis d’opposition fédéraux et provinciaux, ainsi que la quasi-totalité de la classe politique, ont soutenu les politiques dites sanitaires des gouvernements actuels, n’ont manifesté leur désaccord que mollement sur des points précis (par exemple sur les moyens à utiliser pour obtenir la vaccination des non-vaccinés), et ont parfois même renchéri en la matière. Il est à craindre que s’il parvenait à se hisser au pouvoir, les chefs de ces partis politiques agissent de manière tout aussi autoritaire.

Si le Parti libéral délogeait la Coalition avenir Québec, si Dominique Anglade (une ancienne candidate de la CAQ) remplaçait François Legault et devenait première ministre du Québec, ce ne serait assurément pas la fin de l’état d’urgence sanitaire et des mesures qui en découlent. Au contraire, tout pourrait s’intensifier à compter de novembre ou de décembre 2022, comme ça s’est produit en 2020 et en 2021. Détenteur du pouvoir, les libéraux pourraient décider de montrer à la population québécoise qu’ils sont capables d’en faire encore plus que la CAQ pour protéger sa santé, au détriment de nos droits et de nos libertés, ce qui montre bien qu’ils ne sont libéraux que de nom.

Au fédéral, le remplacement de Trudeau (qui pourrait démissionner après avoir été impliqué dans un autre scandale de corruption ou qui pourrait attraper la COVID longue malgré ses quatre doses de vaccin, ce qui le rendrait inapte à gouverner) par la ministre des Finances et la vice-première ministre, Chrystia Freeland (qui dilapide allégrement les fonds publics sous prétexte d’atténuer les effets des mesures dévastatrices pour l’économie), ne nous avancerait guère. Même la chute du gouvernement minoritaire de Justin Trudeau (peu probable, j’en conviens, compte tenu qu’il faudrait que le Parti conservateur obtienne l’appui de 40 des 59 autres députés d’opposition), auquel pourrait succéder un gouvernement conservateur, ne constituerait peut-être pas une voie de sortie de la crise actuelle. Et ce, même si Candice Bergen, qui remplace pour l’instant Erin O’Toole à la tête du Parti conservateur du Canada, est certainement plus favorable à l’assouplissement des mesures sanitaires que Justin Trudeau et Chrystia Freeland. Cependant il est légitime de nous demander jusqu’où elle serait prête à aller si elle gagnait la course à la chefferie et si elle gouvernait le Canada. Mettrait-elle fin à toutes les obligations vaccinales imposées par le gouvernement Trudeau, ainsi qu’à l’achat de centaines de millions de doses de vaccins et de tests rapides ? Ferait-elle des démarches auprès des gouvernements provinciaux pour qu’ils mettent fin à l’état d’urgence et aux mesures dites sanitaires, alors que Trudeau a rencontré plusieurs fois les premiers ministres provinciaux pour des raisons opposées ? Et si elle était à la tête d’un gouvernement minoritaire, dans quelle mesure serait-elle capable de faire tout ça, avec le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois qui se ligueraient souvent contre elle, sans parler de tous les experts qui nous chantent le même refrain depuis presque deux ans ?

Il résulte de tout ça que, pour sortir de la crise, il ne suffit pas de remplacer un parti politique par un autre et un politicien par une autre, afin de gouverner le Canada et le Québec. C’est un problème beaucoup plus profond, qui a ses racines dans nos institutions politiques, et aussi dans nos institutions bureaucratiques, médicales et scientifiques. Ce sont donc des changements institutionnels qu’il nous faut envisager. S’il n’est pas raisonnable de croire que nous les obtiendrons du jour au lendemain, il n’est pas davantage raisonnable de croire que nos gouvernements ne sombreront pas dans l’autoritarisme à l’apparition du prochain variant ou prochain virus, en raison de l’urgence dite climatique, de la dissolution de l’économie ou d’une guerre froide, tiède ou chaude avec la Russie ou la Chine, ou les deux à la fois. C’est pourquoi une sorte de « retour à la normale » ne devrait pas être considérée comme une victoire définitive, mais être vue comme un moment de répit qu’il nous faut mettre à profit pour obtenir certains de ces changements, ou du moins aller dans cette direction.

 

Pistes de solutions

J’énumère ici quelques-uns des changements qu’il faudrait apporter à nos institutions pour réduire les chances que la crise actuelle, si nous venons à en sortir ou si elle s’atténue prochainement, ne se perpétue ou ne soit suivie d’une autre crise fabriquée et prolongée par nos gouvernements pour donner une apparence de légitimité à leurs abus de pouvoir. J’ai déjà écrit des billets sur quelques-unes de ces idées et j’en écrirai probablement d’autres bientôt.

1. La section de la Loi sur la santé publique qui rend possible la déclaration et la prolongation de l’état d’urgence, qui confère des pouvoirs exceptionnels et excessifs au gouvernement, et grâce à laquelle il nous prive de nos droits et de nos libertés, doit être abrogée. La même chose doit être faite pour toutes les autres lois qui accordent de semblables pouvoirs au gouvernement dans certaines circonstances et qui autorisent la suspension ou la privation de nos droits et de nos libertés. Je pense par exemple à la loi sur les mesures de guerre et aussi aux lois élaborées pour lutter contre le terrorisme. Encore mieux, nous pourrions, grâce à des ajouts aux lois constitutionnelles canadiennes, déclarer inconstitutionnelle l’adoption de lois qui conféreraient de tels pouvoirs au gouvernement et qui seraient une menace pour nos droits et libertés.

2. La capacité des gouvernements à promulguer des ordonnances et des décrets ministériels, peu importe leur objet, doit être réduite considérablement, voire leur être retirée complètement. Ce qui prend maintenant la forme d’ordonnances et de décrets devrait alors prendre la forme de projets de lois qui seraient soumis aux parlements fédéral et provinciaux pour discussion, amendement, adoption ou refus.

3. Les partis politiques devraient être interdits, ou à tout le moins ne plus être reconnus au sein de nos institutions politiques. Les membres du parlement seraient alors tous des députés indépendants, qui pourraient plus facilement représenter les personnes qui les ont élus, au lieu de représenter les partis politiques qui les ont investis candidats dans telle circonscription électorale. N’ayant plus à respecter la ligne de parti pour rester dans les bonnes grâces de leurs chefs et assurer leur carrière politique, ces députés indépendants pourraient plus facilement défendre les intérêts de ceux qui les ont élus et participer librement et intelligemment aux délibérations politiques. Du même coup, les débats qui auraient lieu au parlement ne seraient plus façonnés par les oppositions et les alliances entre les partis au pouvoir et les partis d’opposition. Enfin on rendrait impossible la corruption des chefs ou des figures influentes des partis politiques par les « élites » économiques nationales ou mondiales, qui entraîne actuellement la corruption des députés qui doivent se conformer à la ligne de parti élaborée par leurs chefs.

4. Le premier ministre et les autres ministres devraient dorénavant être élus par les députés indépendants qui composent le parlement. Seuls les membres du parlement pourraient se présenter à un poste de ministre. Ainsi le pouvoir exécutif serait subordonné au pouvoir législatif (aux représentants des citoyens), au lieu du contraire. Les membres du conseil exécutif devraient rendre des comptes aux membres du Parlement et pourraient être démis de leurs fonctions et remplacés par d’autres. Notons que, les ministres n’appartenant plus à un même parti politique, ils n’auraient pas à s’entendre ou à donner l’impression de s’entendre. En cela ils pourraient plus difficilement faire corps contre le parlement et des positions divergentes pourraient même se faire concurrence au sein du conseil exécutif. C’est là la condition d’une véritable discussion politique.

5. Pour que les citoyens continuent de détenir une partie du pouvoir politique après avoir élu leurs représentants, il est nécessaire d’ajouter des composantes de démocratie directe. Les citoyens devraient avoir le droit d’organiser des référendums pour voter eux-mêmes un projet de loi soumis au parlement par des membres du conseil exécutés ou des députés, ou pour proposer eux-mêmes l’abrogation ou la modification des lois existantes, ou pour proposer l’adoption de nouvelles lois. Ce pouvoir détenu par les citoyens empêcherait la formation d’une classe dite politique (qui pourrait plus difficilement se constituer en raison de l’interdiction ou de l’exclusion des partis politiques) qui exerce le pouvoir politique, par opposition aux citoyens qui le subissent et qui sont davantage des sujets que des citoyens. Pour que le pouvoir des citoyens d’imposer leur volonté au conseil exécutif et au parlement existe bien, ceux-ci ne doivent pas pouvoir disposer librement des moyens de communication et des fonds publics pour faire de la publicité en faveur de leurs opinions politiques. Il faudrait aussi prendre des précautions pour que les « élites » économiques n’interviennent pas pour influencer les citoyens grâce au financement et au marketing des politiques qui servent leurs intérêts au détriment de ceux des citoyens.

6. La propriété et le financement (y compris sous la forme de publicités) des médias de masse par le gouvernement et les « élites » économiques devraient être rigoureusement interdits et sévèrement punis. La disparition de ces médias, qui pratiquent la désinformation et la propagande, serait un bien. Il faut néanmoins réfléchir aux moyens de favoriser l’émergence de médias indépendants, sans les exposer à la corruption du gouvernement et des « élites » économiques.

7. Les gestionnaires des organismes publics et parapublics devraient être nommés par le Parlement et rendre périodiquement ou sur demande des comptes au parlement. Pour rendre possible l’évaluation de leur gestion et des activités des organismes bureaucratiques qu’ils dirigent, ces derniers devraient être contraints de faire preuve de la plus grande transparence, aussi bien vis-à-vis du parlement que des citoyens, par exemple en publiant systématiquement leurs documents « internes » sur un site internet. Les gestionnaires inaptes ou corrompus pourraient être démis de leurs fonctions par le parlement et remplacés par d’autres personnes.

8. Le devoir de réserve et de discrétion des employés de l’État devrait être aboli. Ils devraient être autorisés et même encouragés à exprimer ouvertement des opinions divergentes et à informer le parlement et les citoyens sur ce qui se passe vraiment dans les organismes bureaucratiques, dans le système de santé et dans les milieux de recherche et d’enseignement, par exemple.

9. Le financement et l’orientation de la recherche scientifique et médicale par les entreprises pharmaceutiques et par les « élites » économiques devraient être rigoureusement interdits et sévèrement punis. Quant au financement public, il ne devrait pas être un moyen d’orienter la recherche en fonction d’objectifs dictés par le gouvernement. Au contraire, il devrait servir à procurer aux scientifiques et aux médecins les conditions nécessaires à la recherche libre, aussi bien en ce qui concerne l’objet de leurs recherches et que les résultats obtenus. C’est pourquoi les scientifiques et les médecins habilités à faire de la recherche devraient recevoir automatiquement un montant d’argent suffisant pour conduire les recherches qu’ils décident de faire, au lieu de devoir présenter des projets de recherche susceptibles de plaire ou de convenir aux autorités politiques et bureaucratiques et aux comités d’évaluation qui accordent des fonds de recherche d’après des critères qui n’ont que peu de choses à voir avec la science et la médecine.

Etc.


Pour des développements plus longs sur certaines de ces points, je vous suggère de lire les billets suivants :

Pourquoi sommes-nous si obéissants ? – partie: 2 la politique (5 décembre 2020)

Pourquoi faire confiance à la classe politique ? (12 décembre 2020)

Penser la dictature (23 janvier 2021)

Pour l’indépendance des députés et l’autonomie de l’Assemblée nationale (10 juin 2021)

Corruption de la politique : les partis politiques (26 septembre 2021)

La corruption des politiciens, des institutions publiques et de la politique par l’idéologie sanitaire (17 octobre 2021)

Pourquoi faire confiance aux organismes gouvernementaux ? (15 décembre 2020)

Tendances expansionnistes des organismes bureaucratiques (19 juin 2021)

Principes pour une rénovation de la santé publique (20 février 2021, 24 février 2021 et 2 mars 2021)

Lobbyisme des marchands de vaccins au Québec et au Canada (3 juin 2021)

Science ou marketing ? (11 juin 2021)

Schéma des projets de recherche en cours et financés par le Consortium québécois de la découverte du médicament (4 juillet 2021)

Propagation de l’influence tentaculaire de l’industrie pharmaceutique dans les milieux de recherche (3 octobre 2021)

Le scientisme, une menace pour la démocratie, la science et la médecine (24 mai 2021)

Rôle du directeur national de la santé publique et conditions de la pratique scientifique (20 janvier 2021)