Ce que l’avenir pourrait réserver aux plus jeunes

Faisons l’hypothèse suivante : les autorités politiques, bureaucratiques et sanitaires – qui ont de toute évidence perdu la tête ou (et) qui nous veulent du mal – continueront d’agir envers nous comme ils l’ont fait depuis quelques années ou quelques décennies ; et le peuple, endoctriné et loin de résister, se rangera majoritairement derrière ces autorités. Si les choses se passent ainsi, qu’en résultera-t-il pour les jeunes adultes, les adolescents, les enfants et les personnes qui pourraient naître au cours des prochaines années ou décennies ? Même s’il ne faut pas embellir la vie que nous, qui sommes plus âgés, avons eu jusqu’à maintenant, il me semble que nous pouvons dire que ce qui attend les plus jeunes et les générations encore à venir, c’est une dégradation généralisée de la situation politique, économique, morale et culturelle, et donc un appauvrissement de leur existence, comparativement à la nôtre.

 

Dégradation de la situation politique

Ne nous leurrons pas : malgré l’élection des membres de l’assemblée législative et du gouvernement, nos droits politiques ont toujours été très limités. Outre le fait que, faute d’avoir l’argent et les relations nécessaires, il a toujours été inenvisageable pour beaucoup d’entre nous d’occuper des fonctions politiques importantes, les parlementaires censés nous représenter sont soumis à la discipline de parti et doivent rendre des comptes aux leaders du parti auquel ils appartiennent et, s’il s’agit du parti gouvernemental, ont pour fonction d’entériner les politiques de ce gouvernement. Dans ce contexte, la représentation politique est une illusion servant à maintenir des apparences démocratiques. Les citoyens, s’ils veulent se faire entendre des politiciens qui n’en font qu’à leur tête et qui ne se soucient pas de l’intérêt de ceux qu’ils gouvernent, n’ont guère d’autres possibilités que d’organiser des manifestations et de faire des grèves. S’ils ont de la chance, un parti politique d’opposition se fera le porte-parole de certaines de leurs revendications parce qu’il croit y avoir intérêt, du moins pour l’instant.

Quand le virus est arrivé, les partis d’opposition se sont ralliés au gouvernement pour faire la guerre à l’ennemi public numéro un. Malgré des désaccords quant à la manière de conduire cette guerre, presque tous nos représentants ont soutenu l’incessante propagande sanitaire, la suspension de nos droits et de nos libertés, la réglementation minutieuse de nos actions, la mise en place de mesures de surveillance et de contrôle, la fermeture de secteurs importants de notre économie, et la guerre menée contre les opposants grâce aux médias et aux forces policières. Le gouvernement, pour sa part, a tout fait jouir aussi longtemps que possible des pouvoirs d’exception qu’il s’est donnés, tant il a pris goût à eux. La critique était à son avis déplacée en ces temps de guerre et continue de l’être (le virus circule toujours et la « pandémie » n’est pas finie), et les mouvements de protestation constituent à ses yeux des crimes de lèse-majesté.

Malgré la réduction considérable des pouvoirs d’exception détenus par le gouvernement et le relâchement estival des mesures soi-disant sanitaires, nous aurions tort de croire que c’est forcément fini. La classe politique a constaté qu’elle pouvait, sous prétexte d’urgence, exercer le pouvoir de manière arbitraire et nous priver de nos droits et de nos libertés avec le consentement de la majorité de la population. Pourquoi se priverait-elle de jouir à nouveau de ce pouvoir, en invoquant une autre urgence sanitaire, ou l’urgence climatique, ou la guerre en Ukraine et peut-être dans le Pacifique et le péril russe et chinois ? Pourquoi ne chercherait-elle pas à consolider et à étendre son autoritarisme si elle ne se heurte pas à la résistance déterminée de la population ?

Nos cadets et les générations futures risquent donc d’avoir toujours sur le dos la classe politique, qui réglementera encore plus que maintenant leurs actions, mais aussi leurs paroles, voire leurs opinions et leurs sentiments présumés, conformément aux avis formulés par les experts en santé publique, en changements climatiques, en relations internationales en sécurité et en relations publiques, et aux consignes élaborées par les bureaucraties qui prolifèrent. L’urgence, quelle qu’elle soit, deviendrait alors non seulement le mode de gouvernance en vigueur, mais le maintien de l’urgence ou de son apparence serait la fin des gouvernements au pouvoir. Étant donné les atteintes temporaires ou permanentes aux droits et libertés des personnes gouvernées et la suspension du processus de délibération et de décision qui devraient caractériser les démocraties, ceux que nous appelons présentement « citoyens » seraient plus justement qualifiés de « sujets » ou de « serfs », et ce que nous appelons présentement « démocratie » ne serait plus. Car sans citoyens, pas de démocratie. Et sans démocratie, pas de citoyens.

 

Dégradation de la situation économique

Il est indéniable que la pauvreté et même la misère existaient dans les pays occidentaux avant l’arrivée du virus, et aussi que la classe moyenne s’est appauvri au cours des dernières décennies et est devenue de plus en plus endettée. Malgré tout, cette classe moyenne existe bien et ceux qui lui appartiennent sont généralement parvenus, jusqu’à maintenant, à vivre sans craindre de devoir diminuer radicalement leur niveau de vie, d’être dans l’obligation de faire des économies de bouts de chandelle, de ne plus être capables de joindre les deux bouts, de faire faillite et même de se retrouver à la rue. Beaucoup ont même connu un certain confort durant toute leur vie et peuvent difficilement envisager autre chose.

Depuis l’arrivée du virus et le début de ce qui pourrait devenir une ère des sanctions économiques auto-imposées, ou plutôt imposées à la population par nos gouvernements, cela pourrait changer du tout. Les confinements décrétés par les gouvernements occidentaux – sous prétexte de ralentir la propagation du virus et même de protéger notre économie – ont eu pour effet la fermeture de plusieurs secteurs importants de l’économie, la perte de revenus pour de nombreux travailleurs salariés et de nombreuses entreprises, la fermeture ou l’endettement croissant des petites et moyennes entreprises, un manque d’employés qualifiés lors de la reprise économique, la fragilisation des chaînes d’approvisionnement, une forte inflation, la diminution des revenus de l’État et l’augmentation de ses dépenses et de sa dette. Comme si cela ne suffisait pas, les effets nuisibles pour nous des sanctions économiques contre la Russie aggravent la situation. Les secteurs de l’énergie et de l’agriculture sont tout particulièrement touchés, en raison de l’augmentation du coût de l’essence et du gaz naturel et de l’approvisionnement insuffisant en engrais. Les dépenses des foyers en énergie et en nourriture augmentent, et les moins riches se demandent déjà comment ils feront pour joindre les deux bouts. Et ce n’est qu’un début, car l’augmentation des coûts énergétiques et l’approvisionnement insuffisant en énergie ont déjà commencé à affecter les autres secteurs de l’économie, et continueront de le faire. En Europe, plusieurs entreprises ne sont déjà plus rentables, par exemple les pubs en Angleterre. Le secteur de la production industrielle, qui consomme beaucoup d’électricité, pourrait cesser d’être compétitive sur le marché international, et aussi sur le marché national. En Allemagne, la pénurie d’énergie découlant du manque de gaz naturel pourrait avoir pour effet la destruction de l’industrie allemande, avec tout ce que cela implique pour les économies des autres pays européens et occidentaux qui sont étroitement liés à elle.

Certains analystes parlent même d’un effondrement économique de l’Occident, avec la fermeture de nombreuses entreprises ou le déménagement de leurs usines ailleurs, avec des mises à pied massives et l’augmentation rapide du taux de chômage, avec des problèmes de chauffage et de production et d’approvisionnement des denrées alimentaires et d’autres produits à prévoir d’ici les prochains mois, avec une aggravation de l’inflation et une baisse marqué du niveau de vie, avec des faillites de particuliers et de petites et moyens entrepreneurs, avec de fortes pressions sur le système bancaire qui leur a prêté d’importantes sommes d’argent qui ne seront pas récupérées, avec une augmentation de la dette publique, une dégradation de la cote de crédit des États à cause de tous ces problèmes et l’adoption de politiques d’austérité.

Nos gouvernements, au lieu de chercher une solution, nous annoncent simplement que l’abondance que nous avons connue est chose du passé, que l’hiver prochain sera très difficile, et que nous pouvons nous attendre à ce qu’il n’y ait pas d’amélioration durant les cinq ou les dix prochaines années, bien qu’on ne sache pas pourquoi, une fois ce temps passé, la situation devrait s’améliorer, comme si l’abondance, après une période d’austérité, devait revenir d’elle-même. Il nous faut craindre le contraire, puisque qu’au nom de la lutte contre les changements climatiques, les gouvernements occidentaux semblent vouloir en finir coûte que coûte avec les énergies fossiles malgré la crise énergétique, et s’en prennent aux fermiers qui utilisent des engrais à base d’azote, sous prétexte de lutte contre la pollution.

Il se peut donc qu’en raison des politiques économiques, énergétiques et alimentaires des gouvernements occidentaux, les générations les plus jeunes ou à venir triment dur seulement pour obtenir des moyens de subsistance qui, malgré tout, ne leur seront pas assurés. Une grande partie de leur salaire devra être utilisé pour satisfaire leurs besoins les plus élémentaires : manger, se vêtir, se loger et se chauffer. Pour beaucoup, les autres dépenses seront des luxes qu’ils ne pourront pas se permettre. Plus question d’avoir une voiture, une maison, un chalet ou un grand appartement, de faire de coûteux voyages à l’étranger, ou même d’avoir un chien ou un chat.

Dans ce contexte économique où les demandeurs d’emplois seront en surnombre par rapport aux offres d’emplois, où de nombreuses petites et moyennes entreprises auront disparu, où quelques grandes entreprises pourraient contrôler l’essentiel des secteurs économiques importants, et où la condition de travailleur salarié interchangeable se sera généralisée, les employeurs pourront traiter comme des sous-hommes leurs employés, notamment en imposant des réglementations sanitaires pointilleuses pour leur faire sentir jusque dans leur corps qui sont les maîtres et qui sont les esclaves. De leur côté, les gouvernements pourraient profiter de la pauvreté et de la misère des gouvernés pour s’ingérer encore plus dans leur vie et exiger d’eux des comportements et des croyances orthodoxes en échange de l’aide qu’ils leur offrent et qui leur est nécessaire.

 

Dégradation de la situation morale

Depuis que les sociétés occidentales se sont grandement libérées du christianisme, nous pensions nous être libérés en grande partie de la morale de la culpabilité. Les événements des dernières années nous ont au contraire montré à quel point cette morale était toujours capable d’exercer sur nous une forte emprise. Voilà qui montre qu’il ne suffit pas de rejeter les articles de foi de cette religion pour ne plus être imprégné de cette morale et des croyances et sentiments superstitieux qui la constituent.

La nouvelle tache originelle, c’est le virus dont nous pourrions tous être porteurs. Pendant deux années, les autorités politiques, bureaucratiques et sanitaires nous ont dit que, si nous ne faisons pas attention et n’agissons pas comme des lépreux ou des pestiférés les uns à l’égard des autres, nous allons propager le virus, rendre des gens malades et même les tuer, sans parler de l’engorgement des hôpitaux. Cette opération d’incessante culpabilisation a visé tout particulièrement les jeunes adultes, les adolescents et les enfants, qu’on a empêché de vivre en leur disant qu’en fréquentant des personnes du même âge qu’eux, ils allaient contaminer, rendre malades et peut-être tuer des personnes âgées plus vulnérables, par exemple leurs parents et leurs grands-parents.

Cette tendance à la culpabilisation marche aussi en sens inverse : si malgré les mesures soi-disant sanitaires et les injections expérimentales le virus continue de se propager, d’entraîner des complications et des hospitalisations, et de tuer des personnes âgées plus vulnérables, c’est que des personnes plus jeunes, moins vulnérables et bien-portantes – pour ainsi dire coupables d’être en santé – sont coupables de ne pas avoir suivi rigoureusement les consignes de la Santé publique, ou de ne pas s’être fait injecter les deux premières doses de « vaccin » ou les doses de rappel. En vertu de l’ordre moral qui ferait intrinsèquement partie de l’univers, la propagation du virus, la congestion du système hospitalier, la maladie et la mort seraient la punition individuelle et collective pour nos mauvaises actions, lesquelles devraient en plus être châtiées par la justice humaine, sous la forme de confinements et de consignes sanitaires s’appliquant à toute la population, et de punitions visant plus particulièrement les personnes « récalcitrantes » ou « non adéquatement vaccinées », qu’il s’agisse de contraventions et d’amendes, d’isolement social, de suspension au travail ou d’interdiction d’exercer sa profession.

Bien sûr, quand la situation s’améliore, par exemple à cause de l’arrivée du printemps ou de l’été, les prêtres et les fidèles de cette morale superstitieuse s’empressent d’en conclure que c’est là la récompense pour les bonnes actions accomplies et les souffrances endurées sous la forme du respect des consignes sanitaires, de la « vaccination » et du sacrifice de notre prospérité.

L’obéissance qu’entraîne cette morale de la culpabilité a pour effet l’étouffement de la liberté, qui en vient même à être décriée par les dévots qui se surveillent eux-mêmes et qui surveillent les autres pour qu’ils se surveillent eux-mêmes. Même ceux qui ne font pas de zèle sanitaire et qui ne croient pas à ces superstitions morales subissent une importante dégradation morale en ce qu’ils sentent peser sur eux le regard de leurs surveillants, ne peuvent pas vivre en fonction de ce qu’ils jugent être vrai et utile, et doivent prendre des précautions pour ne pas s’attirer inutilement de graves ennuis. Mais les plus à plaindre, ce sont ceux qui adhèrent à cette morale de la culpabilité, qui sont prisonniers de la logique de la récompense et de la punition, et qui sont dressés comme des animaux domestiques par leurs maîtres.

Il résulte de ce dressage et de cette surveillance une atmosphère morale lourde et oppressante, très favorable à la formation d’êtres humains dont les principales caractéristiques sont la petitesse, la lâcheté, l’étroitesse d’esprit et de cœur, la crédulité et la docilité. Si cette atmosphère s’installe pour de bon tous les hivers sous une forme dure (avec confinement et passeports vaccinaux) ou moins dure (seulement le port obligatoire du masque dans les lieux publics et parfois au travail), c’est la nature même des rapports sociaux qui sera modifiée en profondeur, en ce que ceux-ci seront subordonnés à cette morale de la culpabilité. La spontanéité et la cordialité seront alors chassées des relations sociales, à peine tolérées, pendant huit ou neuf mois par année, conformément aux consignes soi-disant sanitaires des autorités politiques, bureaucratiques et sanitaires, le tout suivi d’un assouplissement estival, qui sera une sorte de biscuit pour les chiens que nos maîtres daignent nous accorder pour nous récompenser.

Les générations plus jeunes et à venir sont particulièrement vulnérables à cette morale de la culpabilité et au dressage qu’elle implique, et sont susceptibles d’être façonnées plus en profondeur et de manière durable par eux. N’est-ce pas ce qu’on leur a inculqué et pourrait continuer de leur inculquer avec zèle dans la famille et dans les écoles, à partir du primaire jusqu’à l’université, alors qu’elles n’ont connu qu’assez brièvement ou pas du tout d’autres manières de vivre ensemble et d’autres morales ? Qu’attendre de bon de tout cela alors que leurs aînés, qui ont eu la chance de vivre autrement pendant des décennies, se sont malgré tout laissés dresser facilement et ont pris activement part au dressage des plus jeunes ?

Ces craintes me semblent d’autant plus justifiées qu’on tente de plus en plus de nous enrégimenter – surtout les jeunes – dans d’autres « grandes causes » en utilisant la morale superstitieuse de la culpabilité. Les changements climatiques ne se produiraient-ils pas parce que nous sommes coupables d’avoir vécu trop longtemps dans l’abondance ? Les injustices sociales ne seraient-elles pas causées par le fait que les Blancs, collectivement, auraient eu des ancêtres qui auraient réduit en esclavage les Noirs ou qui auraient massacré les enfants amérindiens dans les pensionnats, et n’auraient pas racheté leurs fautes en expiant les péchés de ces ancêtres ?

 

Dégradation de la situation culturelle

En raison des conditions politiques, économiques et morales actuelles et à venir, ce qu’il reste de la culture occidentale est gravement menacée. Les administrations scolaires, collégiales et universitaires ne considèrent-elles que c’est leur mission de fournir au gouvernement et à l’État des « citoyens », des professionnels, des médecins, des scientifiques et des penseurs qui adhèrent à la nouvelle idéologie sanitaire et à la morale de la culpabilité, qui travailleront à les répandre et qui seront capables de se protéger et de lutter contre la désinformation ? N’en résulte-t-il pas qu’on exige généralement l’application de toutes les consignes de la Santé publique avec la plus extrême rigueur dans les milieux d’enseignement, par les élèves, les étudiants, les enseignants et les professeurs ? Il arrive même qu’on en fasse plus que ce qui est demandé, comme ces universités ontariennes qui ont annoncé, quelques semaines avant la rentrée, qu’elles imposent le port du masque et qu’elles exigent la « vaccination » de leurs étudiants.

Dressage et culture ne vont pas bien ensemble, du moins si on entend par cette dernière le développement des aptitudes intellectuelles, morales, artistiques et esthétiques des individus, et non la capacité à régurgiter comme un chien savant les lieux communs indiscutables que toute personne scolarisée est censée connaître à tel sujet. C’est pourquoi le fait que les enseignants – qui doivent inculquer la nouvelle religion d’État sous peine d’être suspendus ou renvoyés, et qui souvent y croient – jouent un rôle semblable à celui des bons frères et des bonnes sœurs qui s’occupaient jadis de l’éducation des enfants et des adolescents, n’est certainement pas favorable à la culture des générations plus jeunes. Ce qui est aggravé par la dégradation de la situation économique, qui aura pour effet que l’éducation supérieure sera moins accessible pour eux, qu’ils devront travailler davantage pendant leurs études et qu’ils pourront difficilement se payer le luxe de s’endetter pour passer des années à étudier une discipline intellectuelle ou artistique avec de très mauvaises perspectives d’emploi – dans l’hypothèse, bien entendu, que les gouvernements ou les universités ne ferment pas, sous prétexte de faire des économies, les facultés ou les départements où on enseigne et pratique ces disciplines, ou ne transforment pas ces disciplines pour qu’elles servent mieux la nouvelle religion d’État et pour qu’elles forment des curés devant transmettre la bonne parole aux ouailles ignorantes. Car il est de plus en plus difficile, pour les étudiants qui font des études de deuxième et de troisième cycles, de mener à terme leurs recherches et de faire leur place dans le milieu universitaire en faisant preuve d’esprit critique et en ne rentrant pas dans les rangs. De plus en plus, ce sont les carriéristes qui sont favorisés et même triés sur le volet pour occuper les postes de professeurs-chercheurs, et non ceux qui cherchent à se cultiver et qui font preuve de rigueur intellectuelle, quitte à entrer en conflit avec l’idéologie sanitaire et sécuritaire.

Bref, les jeunes sont de plus en plus privés des possibilités de se cultiver. Les conditions dans lesquelles ils font ou feront des études supérieures seront très différentes de celles dont nous avons bénéficié – malgré de nombreux défauts – il y a trente, vingt, dix ou même cinq ans. Faute de suffisamment de personnes en qui les disciplines intellectuelles et artistiques pourront devenir vivantes, c’est la sociologie, l’anthropologie, la philosophie, l’histoire et la littérature qui sont appelées à disparaître ou à subsister sous des formes encore plus dégradées ou corrompues, ou comme des pièces de musée. L’indigence intellectuelle et culturelle qui en résulterait rendrait l’existence encore plus morne et plus réduite à la satisfaction des besoins les plus élémentaires, et priverait aussi les générations futures de connaissances et d’aptitudes qui pourraient servir à transformer et revivifier nos sociétés et nos institutions, pour éviter une nouvelle sorte d’âge des ténèbres ou en sortir.

 

En guise de conclusion

Nos cadets seront vraisemblablement privés de plusieurs possibilités de vie que nous avons eues, nous qui sommes plus vieux. Les plus jeunes d’entre eux, et encore plus ceux qui ne sont pas encore nés, pourront difficilement concevoir ce dont on les prive, faute d’en avoir l’expérience, mais aussi en raison de l’endoctrinement qui pourrait continuer à sévir dans les familles, les écoles et toute la société. Cette ignorance aura pour effet qu’ils souffriront moins que nous de ce qui leur manque, et qu’ils s’accommoderont mieux de la « nouvelle normalité » qui résulte des politiques de nos gouvernements. Mais ils sont plus à plaindre pour cette raison, puisque leur situation sera désespérée, faute d’un désir d’en sortir, jusqu’à ce que nos gouvernements aillent trop loin et provoquent une révolte qu’ils ne réussiront pas à réprimer et dont il ne sortira pas forcément un nouvel ordre désirable, faute de la culture intellectuelle nécessaire pour l’élaborer.

Même si les mouvements d’opposition qui se sont formés depuis deux ans parvenaient à s’organiser politiquement, et parvenaient à arrêter et à défaire les transformations politiques, économiques, morales et culturelles voulues par nos gouvernements, cela ne voudrait pas dire qu’il n’y aurait pas des pertes importantes pour nous et encore plus pour les plus jeunes. Malgré le fait que je loue la capacité d’opposition des conservateurs moraux et religieux et que je crois qu’il ne faut pas rejeter une alliance avec eux pour s’opposer à nos gouvernements, je me méfie de ce qui pourrait résulter de leur conservatisme moral et religieux s’ils se retrouvaient un jour en position de force. Nous pourrions constater à nos dépens que leur défense de la liberté a des limites assez étroites, du moins sur certains points qui pourraient nous tenir à cœur. Le risque est d’autant plus réel que certains d’entre eux s’imaginent que leurs actions sont cautionnées par Dieu.

La position dans laquelle nous nous trouvons, nous qui sommes des opposants non conservateurs, est très délicate. Refuser de nous allier avec les opposants conservateurs, pour des raisons idéologiques, revient à faire le jeu de nos gouvernements ; et, si ces opposants conservateurs parviennent à s’imposer d’une manière ou d’une autre, c’est laisser entre leurs mains ce qui doit naître de la résistance. Enfin, même si les opposants conservateurs ne cherchaient pas alors à nous imposer leur conservatisme moral et religieux et nous laissaient vivre en paix, nous pouvons craindre qu’ils chercheraient seulement à revenir au « bon vieux temps d’avant le virus », comme si ce bon vieux temps n’était pas ce à partir de quoi il a été facile de nous faire basculer dans une série de crises réelles ou imaginaires (sanitaire, militaire, énergétique, alimentaire et climatique). C’est pourquoi il est important d’envisager et de réaliser d’importantes réformes de notre ordre social et politique et de nos institutions pour essayer d’empêcher que ne se reproduise, sous une forme semblable, ce que nous avons connu depuis deux ans, ou même vingt ou trente ans. Il est douteux que les résistants conservateurs aient un goût marqué pour ce genre d’aventure. D’où l’importance, pour nous qui ne sommes pas des conservateurs, de participer activement à la résistance, afin de ne pas laisser aux conservateurs moraux et religieux le monopole de la résistance.