Bilan sanitaire, moral et politique de l’année 2021 (1)

Promesses non tenues et retour à la case départ

Après nous avoir reconfinés à la fin de l’année 2020, notre gouvernement nous a fait de bien belles promesses si nous acceptions de nous faire vacciner et si les cibles vaccinales étaient atteintes. Nous allions pouvoir enlever nos masques, ne plus avoir à respecter la distanciation sociale, reprendre nos activités, ne plus être exposés à un couvre-feu, à un confinement et à un débordement des capacités hospitalières, et enfin mettre fin à l’état d’urgence sanitaire, nous disait-on. Car les vaccins étaient censés protéger contre les infections, les complications et les décès. Bref, notre gouvernement nous disait que si et seulement si nous acceptions de nous faire vacciner, nous pourrions recommencer à vivre normalement. Les vaccins – ces merveilleux sérums, comme les appelaient certains journalistes – sont la voie de la rédemption, la seule, nous disait-on et continue-t-on de nous dire. Point de salut sans les vaccins ! Notre gouvernement a donc organisé en grande pompe une campagne de vaccination et de marketing pour s’assurer que la population retrousse sa manche.

Les objectifs initiaux de vaccination – relevés plusieurs fois au cours de l’année – ont été largement atteints à l’automne pour la population adulte et les adolescents, alors que la vaccination des enfants commençait. Jamais il n’a été envisagé sérieusement, même durant l’été, quand c’était le calme plat, de ne plus exiger le port du masque dans les milieux de travail et dans les commerces et de lever l’état d’urgence sanitaire. Jamais il n’a été question d’abolir la réglementation sur les rassemblements privés et publics, qui a tout au plus été assouplie, pour les vaccinés, du moins. Jamais les écoles, malgré une reprise de l’enseignement en classe, n’ont pu être libérées des mesures sanitaires, qui se sont au contraire intensifiées à mesure que l’hiver approchait. Les personnes « adéquatement » vaccinées doivent toujours se faire dépister et s’isoler en cas d’infection. Elles peuvent quand même avoir des complications et elles occupent alors des lits hospitaliers réservés à la COVID-19. Si elles ont plus de 60 ans, on leur demande de recevoir une troisième dose de vaccin pour être protégées adéquatement contre Omicron, et la même chose attend le reste de la population, sans parler du vaccin spécialement conçu contre lui, qu’on attend pour le printemps. Enfin le gouvernement, qui nous dit que le système de santé est en danger d’écroulement et qu’il pourrait y avoir des ruptures de soins, rend à nouveau obligatoire le télétravail ; intensifie le dépistage et ordonne l’isolement de plus en plus de personnes à la maison ; resserre les règles pour les célébrations de fin d’année, puis enfin interdit les rassemblements pour le Nouvel An, impose à nouveau un couvre-feu (à partir de 22 h, pour l’instant, au lieu d’à partir de 19 h, comme l’année dernière) ; ordonne la suspension des activités sportives de groupe et la fermeture des salles de spectacles, des salles à manger des restaurants, de lieux de culte et des commerces (seulement le dimanche pour ces derniers, le jour du virus remplaçant le jour du Seigneur) et des lieux de culte ; et reporte le retour en classe dans les écoles primaires et secondaires, dans les cégeps et dans les universités. Si bien que nous avons l’impression de vivre à peu près la même chose que l’année dernière.

Il semble bien que tout ce que le gouvernement a exigé de la population en 2021 n’a servi à rien ou presque, ce qui ne l’empêche de nous demander encore fois la même chose. Qu’est-ce qui nous dit que ce qu’il nous demande encore une fois portera cette fois-ci ses fruits ? Pour quelles raisons la vaccination, dont on nous disait des merveilles l’année dernière, après une, deux ou trois nouvelles doses d’ici l’automne 2022, devrait-elle produire des résultats différents ? Pourquoi notre gouvernement, même s’il dit que les vaccins sont très efficaces, ne fera-t-il pas preuve de la même « prudence » l’été prochain, craignant une nouvelle vague à l’automne ? Pourquoi n’apparaîtrait-il pas un nouveau variant l’automne prochain, contre lequel l’immunité acquise, par voie vaccinale, contre le variant actuel et les précédents ne serait pas efficace ou serait beaucoup moins efficace ? Pourquoi le système de santé, qui se portera vraisemblablement encore moins bien que présentement, ne sera-t-il pas alors menacé de saturation, comme cela se produisait d’ailleurs bien avant l’arrivée du virus, par la faute des politiques de santé du gouvernement actuel et des gouvernements précédents ? En d’autres termes, pourquoi la stratégie vaccinale, qui n’a pas porté fruit en 2021, porterait-elle fruit en 2022 ? Alors pourquoi nous engager sur la même voie cette année et, en cas d’échec, y persister en 2023, en 2024 ou en 2025, avec aussi peu de succès ?

Si notre gouvernement était composé d’adultes raisonnables et se souciait vraiment de la santé de la population, il se poserait des questions et envisagerait d’autres possibilités, au lieu de nous chanter le même refrain que l’année dernière. Mais peut-il même exprimer de tels doutes publiquement, reconnaître qu’il s’est trompé et prendre une nouvelle voie, sans perdre la face, et sans s’exposer à de graves conséquences politiques et même judiciaires, pour dilapidation des fonds publics, pour incompétence et pour abus de pouvoir. Les médecins, les experts et les journalistes qui se sont faits les défenseurs des décisions du gouvernement, ne peuvent pas davantage se rétracter sans perdre toute crédibilité et s’exploser à maintes conséquences déplaisantes. Bref, il n’est pas dans l’intérêt de tout ce beau monde qui nous a vendu la politique de confinement et la campagne de vaccination massive de toute la population d’écarter maintenant ces « solutions » pour en examiner d’autres. On ne peut donc pas raisonnablement s’attendre à quelque chose de ce côté. Le fait qu’on persiste dans cette direction ne relève pas d’un consensus scientifique (qui n’a jamais existé) et ne saurait donc être interprété comme un signe ou une preuve de l’efficacité de la stratégie gouvernementale, c’est-à-dire de sa capacité à mettre fin à la crise que nous connaissons. Les autorités politiques, bureaucratiques, scientifiques et médiatiques qui reconnaîtraient qu’elles se sont trompées commettraient rien de moins qu’un suicide politique, professionnel et médiatique. Et c’est sans parler des autres forces qui agissent ouvertement ou insidieusement – les marchands de vaccins, de l’OMS et de l’élite financière – qui s’enrichissent grâce à cette crise, qui ont intérêt à ce qu’elle se poursuive, qui pourraient être poursuivies par les tribunaux nationaux et internationaux, et qui usent de toute leur influence et de tout leur pouvoir pour imposer l’idée selon laquelle il n’y aurait pas de salut sans la vaccination massive des populations nationales et même de la population mondiale.

 

La saturation des hôpitaux

Malgré la vaccination massive de la majorité de la population, le gouvernement, les médecins, les experts et les journalistes nous disent que le système de santé est saturé. Remarquons que cela se produisait déjà avant l’arrivée du virus, et que la simple grippe saisonnière suffisait régulièrement à provoquer cette saturation durant l’hiver, en raison des politiques de santé des gouvernements précédents, qui ont eu pour effet un manque de lits et de personnel pour en ouvrir d’autres. Mais on dira que c’est pire depuis l’arrivée du virus. Il importe de nous demander si cela est simplement dû à la contagiosité et à la virulence du nouveau virus et de ses variants.

À ma connaissance – mais je peux me tromper, ne travaillant pas dans le milieu de la santé –, on n’a jamais pratiqué, pour la grippe saisonnière, le dépistage du personnel soignant sur une base régulière, en considérant comme atteintes de la grippe des personnes qui n’ont pas ou n’ont que peu de symptômes, qui sont même vaccinées, pour exiger d’elles qu’elles arrêtent de travailler pendant une dizaine de jours en cas d’infection. Il serait curieux de voir si une telle politique sanitaire, appliquée dans les hôpitaux pour une simple grippe, ne suffirait pas à aggraver considérablement leur saturation saisonnière, au point de la rendre si grave que présentement, d’après ce qu’on nous dit. Cependant nos chefs politiques – après avoir proclamé qu’ils refuseraient catégoriquement d’être soignés par une infirmière non vaccinée et possiblement contagieuse – ont finalement eu le bon sens, il y a quelques jours, de permettre au personnel de la santé positif et asymptomatique de continuer à travailler, dans certaines conditions, afin de ne pas aggraver la situation et d’éviter les ruptures de soins. Car maintenant il serait préférable d’être soigné par une infirmière ou un médecin positif et peu contagieux, que de ne pas être soigné du tout. Ce qui est une manière de reconnaître que la pénurie de personnel qui sévit actuellement dans le milieu hospitalier, et l’obligation de fermer des lits et de faire du délestage, est en partie causée par une politique sanitaire que le gouvernement commence lui-même à questionner, non sans opposition de certains représentants syndicaux qui, s’ils déplorent le manque de personnel et la saturation des hôpitaux, ne voient dans ce changement qu’un danger pour la santé des collègues et des patients des travailleurs de la santé infectés qui seraient toujours en fonction.

Mais il y a plus. Dès l’automne 2020, le ministère de la Santé et des Services sociaux a déployé sur tout le territoire du Québec des centres de dépistage de la population, en plus d’une armée d’enquêteurs pour tracer les contacts des personnes qui ont été déclarées positives. Le prélèvement des échantillons avec les écouvillons étant une sorte d’intervention médicale, il peut seulement être réalisé par des personnes compétentes, principalement des infirmiers et des infirmières, je suppose. Compte tenu du petit nombre de lits prévus pour les patients COVID (environ 800 pour une population de plus de 8 000 000), on peut se demander si le personnel soignant affecté au dépistage, et qui pourrait être plutôt déployé dans les hôpitaux pour ouvrir davantage de lits et assurer le maintien des soins, ne contribue pas à aggraver la pénurie de personnel qui soigne véritablement, car faire du dépistage, ce n’est pas soigner. La santé de personne ne s’améliore du seul fait de faire du dépistage. Il est vrai que les défenseurs du dépistage massif de la population y voit une mesure préventive qui permettrait de contrôler la propagation du virus. Mais compte tenu du fait que les personnes asymptomatiques seraient peu contagieuses – ce que reconnaît désormais le gouvernement en permettant aux travailleurs de la santé positifs mais asymptomatiques de continuer à travailler) –, compte tenu du temps qu’il peut y avoir entre le moment de l’infection et le test de dépistage, compte tenu du fait que le nouveau variant Omicron se propagerait à une vitesse fulgurante, compte tenu du faible taux d’hospitalisation chez les personnes infectées appartenant à la plupart des groupes d’âge, il est légitime de se demander dans quelle mesure ce dispositif contribue véritablement à réduire les hospitalisations et la saturation du réseau hospitalier, et aussi d’envisager les gains possibles d’un redéploiement dans les hôpitaux d’une partie importante du personnel affecté au dépistage, en maintenant tout au plus le dépistage des personnes symptomatiques, pour qu’elles soient correctement prises en charge et suivies par des médecins – et pas simplement renvoyées en isolement à la maison, exactement comme les personnes positives asymptomatiques –, ce qui pourrait réduire la fréquence des complications et des hospitalisations.

Dans un même ordre d’idée, nous pouvons nous demander si la constitution et le maintien sur le pied de guerre d’une armée de vaccinateurs n’a pas contribué à détourner du réseau hospitalier des travailleurs de la santé et à y aggraver la pénurie de personnel. Il est vrai qu’on ne retrouve pas seulement, parmi les vaccinateurs, des travailleurs de la santé habilités à travailler dans les hôpitaux, et qu’il y a aussi des retraités et des étudiants de différentes spécialités médicales. Il n’en demeure pas moins vrai que des infirmières actives ou retraitées vaccinent, et qu’elles pourraient travailler dans les hôpitaux ; et aussi que les autres corps d’emploi qui font partie des vaccinateurs pourraient dans une certaine mesure être utilisés dans les hôpitaux pour accomplir des tâches plus simples, permettre aux infirmières de se concentrer sur les tâches qui exigent des compétences plus avancées, réduire leur charge de travail, leur permettre enfin de souffler un peu, les prémunir contre l’épuisement professionnel et réduire leur exode vers le secteur privé. Alors qu’on constate les limites de la solution vaccinale même si les objectifs vaccinaux ont été atteints, alors qu’on nous dit que ça craque de partout dans notre système de santé, alors que les hospitalisations dues au virus monteraient en flèche, alors que la campagne de vaccination exige du temps et que l’immunité ainsi acquise n’est pas spontanée et exige du temps, est-il sage de continuer à utiliser ce personnel pour vacciner les jeunes enfants – ce ne sont pas eux qui encombrent généralement les hôpitaux, même si les journalistes ne manquent pas une occasion de prétendre le contraire – et pour administrer une troisième dose aux personnes de 60 ans et plus et bientôt au reste de la population ? Au lieu de continuer à faire la même chose, et de risquer d’obtenir le même résultat peu satisfaisant, ne serait-il préférable de réaffecter une partie des vaccinateurs dans les hôpitaux, de se donner les moyens de garder les lits ouverts et même d’en ouvrir de nouveaux, et ainsi de consolider la capacité du réseau hospitalier à accueillir les malades de la COVID ou qui ont besoin de soins pour toutes sortes d’autres raisons ?

 

Les mesures sanitaires, le dépistage et la vaccination au détriment de la santé du réseau hospitalier et de la population

Même si nos autorités n’arrêtent pas de nous parler de la saturation du réseau hospitalier quand il s’agit d’imposer de nouvelles mesures sanitaires et d’obtenir de la population qu’elle se fasse vacciner, l’augmentation de la capacité hospitalière n’est assurément pas leur première préoccupation. Elles ne sont pas prêtes à prendre les grands moyens pour s’attaquer directement à ce problème. Il s’agit d’autre chose quand il est question d’augmenter la capacité de dépistage et de vaccination. Pourquoi est-on prêt à prendre les grands moyens, sous prétexte d’urgence sanitaire, quand il s’agit de dépistage et de vaccination, alors qu’on se montre négligeant et même dangereusement incompétent quand il s’agit de consolider la capacité d’accueil du réseau hospitalier et les soins, en allant jusqu’à envisager de suspendre ou de congédier les travailleurs de la santé non vaccinés, juste avant le début de l’hiver ?

C’est comme si nos autorités, vivant dans une sorte de réalité virtuelle, pensaient qu’il est possible de contrôler suffisamment la propagation du virus grâce aux mesures sanitaires, au dépistage massif et à la population massive, et qu’alors le problème de pénurie de personnel soignant et de manque de lits hospitaliers se résoudrait de lui-même et ne se poserait même plus. Le gouvernement a donc mis tous ses yeux dans le même panier, avec les résultats déplorables qu’on connaît aujourd’hui.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux, au lieu de s’occuper avant tout de ce qui se passe dans les hôpitaux, s’est mis à dépenser une énergie folle à élaborer des mesures sanitaires et à y sensibiliser la population ; à pratiquer le dépistage massif de la population ; à vacciner massivement la population et à faire des campagnes publicitaires pour obtenir ce résultat ; et à concevoir toutes sortes de mesures et de dispositifs pour exercer des pressions sur les non-vaccinés, ce qui a souvent pour effet de les rebuter encore plus. Compte tenu des résultats décevants obtenus grâce à cette « stratégie » depuis l’arrivée de l’hiver – c’est le moment qui importe le plus, pour une infection respiratoire saisonnière comme la COVID-19 –, nous devons nous demander collectivement si tous ces efforts, toute cette énergie, tout ce personnel et tout cet argent n’auraient pas pu être employés plus utilement, et ne devraient pas l’être à partir de maintenant, ou si nous devons continuer à adhérer à la « stratégie » gouvernementale, en risquant de devenir les victimes de ce qui pourrait être un rêve chimérique.

La mission première du ministère de la Santé et des Services sociaux, même en situation d’urgence, n’est pas d’imposer des mesures sanitaires contraignantes à toute la population, et de la dépister, de la vacciner et de la revacciner, mais plutôt de veiller à ce que des soins de qualité demeurent accessibles à l’ensemble de la population. Si notre ministre de la Santé et des Services sociaux, avec l’appui du reste du gouvernement et de la bureaucratie, sacrifie cette mission première à l’imposition continuelle ou saisonnière de mesures sanitaires, au dépistage et à la vaccination de toute la population, il lui faudrait au moins reconnaître ouvertement le changement de priorités, et donc donner un nouveau nom à son ministère, à savoir le ministère des Mesures sanitaires, du Dépistage et de la Vaccination (le MMSDV pour les intimes). Le gouvernement ferait alors preuve de transparence, et le personnel soignant et la population sauraient alors à quoi s’en tenir et ce qu’on peut raisonnablement espérer d’un tel organe bureaucratique et d’un tel gouvernement.

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