Automatisation du passeport vaccinal et carcéralisation de la société

L’un des facteurs qui a probablement entravé l’implantation du passeport vaccinale dans les commerces et les lieux publics, c’est le fait que des employés doivent surveiller les entrées et vérifier le statut vaccinal et l’identité des personnes. Non seulement ça entraîne parfois des files d’attente, mais il faut payer des employés pour exécuter cette tâche supplémentaire qui n’est pas rentable pour les propriétaires des commerces et les administrateurs des autres lieux publics. Puis ces employés doivent « gérer » les mécontents qui en ont assez d’attendre à l’extérieur ou qui ne sont pas vaccinés. Si bien que le gouvernement du Québec, après avoir décrété l’utilisation du passeport vaccinal dans tous les lieux de réjouissance, de divertissement et de culture dès septembre 2021, l’a seulement étendue à la Société des alcools du Québec et à la Société québécoise du cannabis, et ensuite aux commerces à grande surface en janvier 2022, ce qui a donné lieu à des protestations de la part de ces commerçants, lesquels ont malgré tout généralement suivi les ordres qui leur ont été donnés par le gouvernement. Enfin le gouvernement a annoncé en février la suspension du passeport vaccinal à la mi-mars, probablement pour éviter que ne prennent de l’ampleur les mouvements d’opposition qui apparaissaient partout au Canada, y compris au Québec, après l’arrivée du Freedom Convoy à Ottawa.

Même si la fin de l’état d’urgence sanitaire est prévue pour ce printemps au Québec, le prochain gouvernement pourrait, après les élections prévues à l’automne 2022, déclarer à nouveau l’état d’urgence sanitaire pour imposer le retour du passeport vaccinal, ou faire adopter une loi à cet effet, soit parce qu’il détient la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, soit parce qu’il obtient l’appui de l’Assemblée nationale. Et cette fois-ci, les choses pourraient aller beaucoup plus loin, puisque des entreprises mettent au point des dispositifs pour automatiser la vérification du passeport vaccinal et l’application d’autres consignes sanitaires.

C’est le cas d’une entreprise de l’Estrie spécialisée dans la biosécurité, Station Sanitaire à Contrôle d’accès (SSCA), qui s’efforce de tirer profit des consignes dites sanitaires que nous impose le gouvernement, en essayant de vendre ses appareils aux commerces contraints d’exiger le passeport vaccinal et à des organismes publics ou parapublics, le tout peut-être dans le cadre d’un futur programme d’implantation du passeport vaccinal financé par le gouvernement.

SSCA offre 5 options à ses clients, lesquels combinent différents appareils.

Option 1

Option 2

Option 3

Option 4

Option 5

Avec ces merveilleux appareils, il est donc possible de trier les clients ou les usagers, et de leur donner ou interdire l’accès à certains endroits, selon leur statut vaccinal et leur état de santé.

Certains de ces appareils ont déjà été installés au Centre Bell, au CIUSSS de l’Est de l’Île-de-Montréal, dans les bureaux de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, au Stanstead College, au Marronnier, chez Le Phare, Enfants et Familles, chez ACAM Transport, et dans les usines d’Alcoa, d’Alouette, d’Olymel, de Lefebvre Industri-AL et de Mecart. C’est donc dans des établissements médicaux, dans des écoles, dans des administrations publiques et dans de grandes entreprises qu’ont déjà été installés ces appareils, même si l’usage précis qu’on en fait n’est pas précisé.

Des précisions supplémentaires sont disponibles sur la page promotionnelle de Zoey (la borne intelligence et l’application numérique qui vous assurent un contrôle sanitaire fiable et efficace)

Bien que la reconnaissance faciale ne soit pas utilisée à des fins d’identification des personnes, mais seulement pour déterminer si une personne porte un masque ou non, elle pourrait servir plus tard à identifier les personnes, quand l’identité publique à laquelle travaille le ministère de la Cybersécurité et du Numérique entrera en vigueur, ou quand des organisations ou des entreprises décideront d’appliquer ce mode d’identification à leurs employés et à leurs usagers. La reconnaissance faciale réalisée par cet appareil pourrait aussi servir à constituer une base de données des visages des personnes, afin de les identifier dans d’autres circonstances, à leur insu ou ouvertement. Mais puisqu’il est commun pour la majorité des personnes de mettre en ligne des photographies d’eux sur les réseaux sociaux contrôlés par les grandes sociétés informatiques, les organismes gouvernementaux et les corporations qui veulent constituer une telle base de données disposent ont ce qu’il faut depuis longtemps pour le faire.

Je fais aussi remarquer que les données collectées grâce à ces appareils et à ces applications sont hébergés à l’externe (Microsoft Azure), et par conséquent elles peuvent être conservées, vendues, piratées et utilisées pour tracer les déplacements des personnes et alimenter ce qu’Edward Snowden appelle notre « permanent record ». Par opposition, les applications développées par le gouvernement du Québec sont censées seulement afficher le code QR, le lire et présenter à l’écran les renseignements pertinents, sans se connecter à un système informatique gouvernemental pour récupérer ou inscrire des données. Mais nous pouvons nous demander si c’est bien le cas. Car comment le gouvernement a-t-il pu révoquer passeports vaccinaux des personnes qui ont obtenu un code QR sans avoir été vaccinées si l’application utilisée pour lire les codes QR ne se connecte pas à une base de données pour vérifier leur authenticité ? La seule manière de faire, dans ce cas, ce serait de mettre à jour les applications elles-mêmes pour que ces codes QR ne fonctionnent plus, ou d’encoder autrement les codes QR et de transmettre des nouveaux codes à tout le monde, sauf aux tricheurs.

Pour le secteur de la restauration, SSCA permet la collecte de toutes sortes d’informations sur les clients (lieu de résidence, adresse électronique et numéro de téléphone) sous prétexte de répondre aux exigences de la Santé publique, tout en proposant à ses clients d’utiliser ces renseignements pour faire du marketing. Dans le secteur des transports, il s’agit essentiellement de vérifier si les usagers portent bien un masque, de prendre leur température corporelle pendant tout le trajet et de retracer toutes les personnes qui auraient pu entrer en contact avec cette personne, pour qu’elles s’isolent et passent un test de dépistage.

À partir de ce point, nous pouvons imaginer toutes sortes d’utilisation de ces appareils et des renseignements qu’elles collectent, à la suite de décrets ou de lois adoptés par le gouvernement, ou d’initiative du secteur privé ou d’organisations publiques. Car plus il est facile d’appliquer les consignes sanitaires, plus on peut les multiplier et les étendre.

Avec pas ou peu de transformations, ces appareils pourraient permettre de surveiller et de contrôler les déplacements des personnes pendant les périodes de confinement, notamment dans les transports en commun.

Dans les milieux de travail, des caméras pourraient filmer en permanence les employés sous prétexte de vérifier leur température corporelle et suivre leurs déplacements et leurs interactions avec leurs collègues. Des bornes de vérification du statut vaccinal pourraient être installées à l’entrée des commerces essentiels et non essentiels, ainsi que dans beaucoup de milieux de travail, à la demande du gouvernement ou à l’initiative des propriétaires, des actionnaires et des administrations, sous prétexte de procurer un environnement sain et sécuritaire aux clients, aux usagers et aux employés.

Des propriétaires d’immeubles d’habitation pourraient faire installer des appareils pour contrôler les déplacements et les accès, en empêchant de sortir de chez eux les locataires présumés malades ou pendant qu’un couvre-feu est en vigueur, et en interdisant l’entrée aux visiteurs, en vérifiant s’ils ne sont trop nombreux et en vérifiant quand ils partent et quand ils arrivent, en contactant les forces de l’ordre quand il y a infraction, en plus de leurs fournir des éléments de preuve.

Des dispositifs semblables pourraient être installés, à la suite d’une nouvelle loi ou d’un décret, dans les maisons pour contrôler les déplacements des propriétaires et des visiteurs, comme dans les immeubles d’habitation.

Pourquoi ne pas exiger l’installation de certains de ces appareils dans les voitures, afin d’identifier les conducteurs, de vérifier leur état de santé et leur statut vaccinal, et de leur permettre ou interdire l’utilisation de leurs véhicules selon le cas, et aussi selon les mesures sanitaires en vigueur, par exemple le couvre-feu ?

Et pourquoi ne pas utiliser ces dispositifs de surveillance et de contrôle à d’autres fins quand ils auront été installés à de nombreux endroits, quand nous nous serons habitués à eux, quand l’identité numérique aura été implantée, par exemple pour nous empêcher de faire certaines choses et d’aller à certains endroits selon si nous nous conformons ou non à ce qui est exigé de nous par notre gouvernement et par les grandes corporations qui domineront de plus en plus l’économie et tous les aspects de notre vie et de la société ? Je pense par exemple aux mesures qu’on pourrait prendre contre les personnes qui participeraient dans le futur à un mouvement d’opposition comme le Freedom Convoy, ou qui soutiendraient seulement ce mouvement.

La surveillance et le contrôle auxquels nous serions alors soumis en permanence aurait pour effet que nous serions traités comme des prisonniers. La société dans laquelle nous vivrions seraient une sorte de grande prison où on appliquerait la discipline carcérale à l’ensemble de la population, non seulement pour punir des actes considérés comme répréhensibles, mais aussi pour les prévenir et faire sentir le poids de cette surveillance et de ce contrôle, afin de façonner les comportements et les esprits.

Si nous consentons à ce que ceux qui veulent devenir nos maîtres disposent de ces instruments, si nous nous plions de bon gré à cette surveillance et à ce contrôle, ce sera la servitude pour nous. Plus ces appareils seront répandus et perfectionnés, plus on leur trouvera de nouvelles applications nocives pour notre liberté, pour nos droits et pour la démocratie. Et alors la demande deviendra plus grande pour de nouvelles innovations en matière de surveillance et de contrôle des populations, au point de constituer peut-être l’un des secteurs les plus importants et les plus lucratifs de la nouvelle économie.