Assimilation des personnes vaccinées aux partisans du passeport vaccinal

Notre gouvernement et les journalistes supposent souvent que les personnes vaccinées, adéquatement ou sur le point de l’être, appuient ou réclament même l’implantation du passeport vaccinal. Et il n’y aurait que les antivax égoïstes et débiles qui s’opposeraient à ce passeport. Voilà une manière de penser qui, bien que simpliste et même rudimentaire, n’en est pas moins très commode pour nos autorités politiques et sanitaires. Si l’on suppose que le taux de vaccination sera bientôt de 80 % dans tous les groupes d’âge éligibles pour se faire administrer le « précieux sérum », cela ferait au moins 80 % de la population qui approuverait le passeport vaccinal, en ajoutant les personnes qui, en raison de problèmes de santé, ne peuvent pas être vaccinées, qui voudraient bien l’être et qui profiteront vraisemblablement d’une dispense pour bénéficier des mêmes « privilèges » que les vaccinés, car c’est l’intention qui compte.

Il suffit de considérer les choses attentivement pour voir que la situation est certainement plus complexe. Je ne nie pas qu’il y a sans doute beaucoup plus de personnes favorables à ce dispositif parmi les vaccinés que parmi les non-vaccinés. Il est raisonnable de croire que la proportion de personnes défavorables au passeport vaccinal est très forte chez les personnes qui n’ont pas été vaccinées, puisque cela constitue un acte de résistance contre les exhortations de plus en plus insistantes du gouvernement et des journalistes. Les choses sont néanmoins moins claires quand il s’agit d’évaluer comment se partagent les opinions dans la grande classe des personnes vaccinées. Ce qui devient manifeste quand on se pose les questions suivantes :

  • Qu’est-ce qui nous permet de croire que les travailleurs de la santé – pour lesquels le gouvernement a décrété l’obligation d’être vacciné, sous peine d’avoir à subir 3 ou 4 tests de dépistage par semaine ou d’être muté à des fonctions administratives, pour éviter les contacts avec des personnes vulnérables ou malades – seraient tous ou presque tous favorables à l’implantation du passeport vaccinal ? Plusieurs d’entre eux – assez nombreux pour que le gouvernement juge pertinent de rendre obligatoire la vaccination – n’ont-ils pas été vaccinés pour éviter d’avoir à subir des tests de dépistage régulièrement et ne pas s’exposer à des sanctions disciplinaires, à une suspension ou même à un congédiement ? Est-il vraisemblable que ces personnes, une fois vaccinées, soient devenues partisanes de la politique vaccinale du gouvernement et de l’implantation du passeport vaccinal, qui s’il n’en est peut-être pas l’aboutissement ultime, en est certainement un jalon important ? N’est-il pas plus vraisemblable qu’ayant été vaccinés à leur corps défendant, ces travailleurs de la santé soient aigris contre le gouvernement et sa politique vaccinale ?

  • L’une des stratégies utilisées par le gouvernement, pour inciter les personnes hésitantes à se faire vacciner, n’a-t-elle pas été de prétendre que plus la couverture serait élevée dans tous les groupes d’âge éligibles à la vaccination, plus la situation sanitaire serait meilleure, plus les chances d’atteindre l’immunité collective seraient grandes, plus la probabilité de devoir avoir recours au passeport vaccinal diminuerait ? À supposer que cette stratégie ait incité plusieurs personnes à se faire vacciner, est-il légitime de croire que, maintenant que le gouvernement est sur le point d’imposer le passeport, ces personnes qui se sont fait vacciner dans l’espoir d’éviter l’implantation du passeport vaccinal, le voient maintenant d’un bon œil ? Puisque le gouvernement est demeuré jusqu’à maintenant assez flou et inconstant quant au taux de vaccination qu’il faudrait pour atteindre l’immunité collective, et semble tout disposé à continuer à ne pas le préciser et à demander toujours plus, ne se peut-il pas que ces personnes aient l’impression d’avoir été flouées par le gouvernement ? Car celui-ci n’est-il en train de faire du taux important de vaccination dans la population générale un signe d’adhésion à l’implantation du passeport vaccinal, et donc une raison de procéder à cette implantation, alors qu’il y a quelques mois ou même quelques semaines il incitait à la vaccination en berçant la population de la possibilité d’éviter l’implantation de ce dispositif ? Un tel manque de cohérence, pour ne pas dire une telle duplicité, ne contribue-t-il pas à rendre plus mécontentes celles de ces personnes qui ont de la suite dans les idées ?

  • Par l’annonce de l’implantation prochaine du passeport vaccinal, le gouvernement montre ouvertement qu’il veut contraindre les hésitants, les négligents et – en prenant peut-être les grands moyens plus tard – les récalcitrants à se faire vacciner ? Poussera-t-il l’inconséquence et l’impertinence jusqu’à faire de ceux qui céderont peu à peu aux pressions croissantes des partisans du passeport vaccinal parce que finalement ils se sont fait injecter les fameux vaccins ?

  • Peut-on supposer que toutes les personnes qui se sont fait vacciner avant qu’il ne soit question d’implanter le passeport vaccinal soient d’accord avec cette nouvelle mesure ? Durant les premiers mois de la campagne de vaccination massive, ne s’agissait-il pas surtout de se protéger et de protéger les autres en se faisant injecter les vaccins ? La seule décision de se faire vacciner, motivée seulement ou principalement pour des raisons de santé, suffit-elle pour considérer ces personnes comme favorables au passeport vaccinal ? N’est-il pas probable qu’il existe toutes sortes de nuances dans l’opinion qu’ont les personnes vaccinées sur cette nouvelle mesure dite sanitaire ? N’est-ce pas se rendre coupable d’une erreur grossière que de croire que les personnes vaccinées sont simplement favorables au passeport sanitaire ? Ne serait-ce pas aussi une manière très efficace de nous diviser en montant les vaccinés et les non-vaccinés les uns contre les autres et en exacerbant les tensions qui existent déjà ? Si oui, à quoi cela sert-il et à qui cela profite-t-il ?

  • Sait-on avec quelque précision de quoi il s’agit quand on dit que les vaccinés approuveraient l’implantation du passeport vaccinal ? Comment pourraient-ils avoir une opinion claire et réfléchie alors que le gouvernement nous maintient (à dessein ou sans savoir lui-même où il va) dans le flou ou même l’obscurité quant aux modalités et au champ d’application de ce dispositif au cours de l’automne et de l’hiver, et peut-être même des années à venir ? S’agit-il de l’approuver comme mesure temporaire ? Qu’entend-on alors par temporaire ? Que pense-t-on du fait d’étendre son utilisation à d’autres lieux et services que les restaurants, les bars, les salles de spectacle et les grands rassemblements ? Et quels critères quant à la situation épidémique pourraient justifier ou non cette extension aux yeux des vaccinés ? Savent-ils s’ils auront à satisfaire d’autres conditions pour continuer à bénéficier de leurs privilèges ? Les opinions à ce sujet peuvent-elles ne pas être multiples, inconstantes et peu réfléchies, faute des éclaircissements nécessaires et d’un débat public digne de ce nom, non pas fait en vitesse, pendant ou après l’implantation de ce dispositif, mais justement pour décider en connaissance de cause s’il faut procéder à cette implantation ou non, sous quelle que forme que ce soit ? Si ces conditions ne sont pas réalisées, fait-il sens de prétendre que les personnes vaccinées approuveraient l’implantation du passeport vaccinal et de faire de cet appui présumé et confus une raison supplémentaire d’aller de l’avant ?

  • Si le gouvernement persiste dans son refus d’un débat public sur le passeport vaccinal et, loin de suspendre son implantation, l’étend de manière progressive et autoritaire à presque tous les services non essentiels, aussi à certains services essentiels, et même à une partie considérable de l’activité professionnelle et de la vie sociale, que nous faudra-t-il pour que nous en ayons assez d’être traités comme des poulets, et ce, que nous soyons vaccinés ou non vaccinés ?