Adoption du principe du projet de loi n° 28 visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire au Québec

Le gouvernement du Québec a enfin mis fin à l’obligation de porter un masque dans les lieux publics et dans les milieux de travail. Mais ce n’est pas fini. Nous n’en sommes pas encore à un retour à la normalité d’avant la « pandémie ». Il faut encore porter un masque dans les transports en commun et les milieux de soins. Et c’est sans parler de l’obligation d’en porter un au travail durant cinq jours, après s’être isolé aussi durant cinq jours à la suite d’un test de dépistage positif. Puis il y a l’interdiction, pour les non-vaccinés, de voyager par avion et par train imposée par le gouvernement fédéral, et la désinfection compulsive des mains qui continue d’être en vigueur partout, sous prétexte qu’il s’agirait d’une mesure d’hygiène de base, au grand plaisir des fabricants et des vendeurs de gel hydralcoolique et autres produits désinfectants. Enfin la fin de l’état d’urgence sanitaire n’a pas encore été déclarée au Québec, et le projet de loi n° 28 grâce auquel le gouvernement essaie de conserver certains pouvoirs d’exception est encore débattu à l’Assemblée nationale.

Même si les journalistes ont parlé abondamment de ce projet de loi et de la résistance des partis d’opposition, ils se font généralement plus silencieux à ce sujet depuis que l’obligation de porter un masque a été levée. Les grands médias n’ont presque pas parlé de l’adoption du principe de ce projet de loi par l’Assemblée nationale le 11 mai 2022. Et quand ils l’ont fait, c’est pour en dire seulement des généralités dont nous aurions très bien pu nous passer. Cette omission, qui n’est peut-être pas simplement accidentelle, doit nous inciter à regarder où en sont rendues les délibérations sur ce projet de loi.

Précisons d’abord que l’adoption du principe de ce projet de loi ne doit pas être confondu avec l’adoption du projet de loi lui-même. Cette étape du cheminement d’un projet de loi public, qui suit sa présentation et des consultations en commission, consiste en un vote sur la pertinence de poursuivre l’examen de ce projet de loi. Dans l’affirmative, le projet de loi est soumis à une étude détaillée en commission, ce qui est suivi par l’adoption ou la non-adoption du rapport de cette commission par l’Assemblée nationale. Si le rapport est adopté, le projet de loi est soumis à l’Assemblée nationale pour adoption et, s’il est adopté, il est ensuite sanctionné par le lieutenant-gouverneur de la province, car la reine d’Angleterre est la souveraine du Canada d’après les lois constitutionnelles toujours en vigueur.

Étant donné notre système électoral dépourvu de toute composante proportionnelle, de la composition actuelle de l’Assemblée nationale (le parti gouvernemental détient la majorité absolue) et de la discipline de parti, le vote pour l’adoption du principe du projet de loi n’était qu’une formalité parlementaire, tous les députés du parti gouvernemental (69) présents ayant voté pour, alors que les députés des partis d’opposition présents ont voté contre (40). Il est donc légitime de nous demander si les débats qui ont eu lieu jusqu’à maintenant, et qui auront lieu d’ici l’adoption probable du projet de loi, ne servent pas surtout à donner une impression de délibération politique et de démocratie, alors qu’en fait le parti gouvernemental peut pratiquement faire adopter par l’Assemblée nationale n’importe quel projet de loi, pourvu que la procédure de cheminement soit respectée.


Prenons maintenant connaissance des amendements adoptés depuis que je me suis intéressé à ce projet de loi dans les billets du 25 mars 2022 et du 16 avril 2022. Pour l’instant les amendements n’ont pas encore été intégrés au texte initial du projet de loi présenté à l’Assemblée nationale le 16 mai 2022, ce qui complique un peu l’analyse que je veux en faire. C’est pourquoi je devrai faire une sorte de collage à partir du texte initial et des amendements, pour savoir exactement ce qui est soumis à la Commission de la santé et des services sociaux pour étude détaillée.

Je laisse tomber la présentation du projet de loi, qui ne fait partie de la loi à strictement parler, pour passer immédiatement à l’article 1, qui n’a pas été amendé.

« 1. L’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 et renouvelé depuis prend fin. »

C’est ce que vise ou semble viser avant tout le présent projet de loi. On pourrait difficilement amender cet article, sauf peut-être sur des points de détail, sans rejeter du même coup le projet de loi lui-même.


L’article 2 a été pour sa part entièrement amendé, étant donné que le texte initial est très vague et même flottant :

« 2. Les mesures prévues par décrets ou par arrêtés du ministre de la Santé et des Services sociaux pris en vertu de l’article 123 de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2) qui sont en vigueur au moment où prend fin l’état d’urgence sanitaire le demeurent jusqu’au 31 décembre 2022.

Le gouvernement, le ministre ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l’application de ces décrets et de ces arrêtés »

Avec un tel article, l’Assemblée nationale ne peut savoir quelles mesures seront maintenues après la levée de l’état d’urgence sanitaire, d’abord parce qu’elles ne sont pas énumérées dans cet article, ensuite parce que les mesures en vigueur sont appelées à changer entre la présentation du projet de loi à l’Assemblée nationale et son adoption. C’est comme si le gouvernement, habitué de gouverner par des décrets et des arrêtés depuis deux ans, demandait à l’Assemblée nationale d’approuver la prolongation des mesures qu’il décidera de conserver sans préciser quelles sont ces mesures. C’est tout de même trop gros, malgré toute la collaboration dont les partis d’opposition se sont rendus coupables depuis mars 2020. L’article 2 a donc été remplacé par le texte suivant :

« 2. Les mesures prévues par l’arrêté du ministre de la Santé et des Services sociaux n° 2022-031 du 11 mai 2022 concernant les mesures en éducation demeurent en vigueur jusqu’au 30 juin 2022.

Les mesures prévues par les arrêtés suivants du ministre demeurent en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022 :

1° arrêté n° 2022-028 (2022, G.O. 2, 1587A) concernant les mesures opérationnelles ;

2° arrêté n° 2022-029 (2022, GO. 2, 1588A) concernant les mesures touchant la vaccination et le dépistage ;

3° arrêté n° 2022-032 du 11 mai 2022 concernant les mesures sanitaires ;

4° arrêté n° 2022-033 du 11 mai 2022 concernant les mesures de ressources humaines.

Le gouvernement, le ministre ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l’application de ces arrêtés. »

Ces renvois à ces arrêtés, qui ne sont pas intégrés au présent projet de loi, n’éclairent guère la chose. Si je comprends bien, ils ont l’avantage, pour le gouvernement, d’empêcher les débats de l’Assemblée nationale d’aboutir à des amendements sur les mesures devant rester en vigueur jusqu’au 30 juin 2022 ou jusqu’au 31 décembre 2022, puisque ces dernières ne font partie du projet de loi lui-même, mais d’arrêtés promulgués en vertu des pouvoirs exceptionnels conférés au ministre de la Santé et des Services sociaux en raison de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, en vertu de la Loi sur la santé publique. Ce qui impose des limites importantes aux délibérations de l’Assemblée nationale sur ce projet de loi suscitant une opposition relativement forte chez les partis dits d’opposition, justement à cause des pouvoirs exceptionnels et des mesures d’exception qu’on voudrait conserver malgré la fin prochaine de l’état d’urgence sanitaire.

Ces arrêtés, qui ont été rédigés pour permettre ces renvois dans le présent projet de loi, ont au moins l’avantage d’être assez clairs et d’être des textes autonomes, par opposition aux autres arrêtés amendés à répétition depuis deux ans, truffés de renvois, et par conséquent très souvent inintelligibles, puisque les mesures en vigueur sont un collage de bout de textes provenant de plusieurs décrets s’amendant les uns les autres, sans que le texte final, auxquels tous les amendements sont intégrés, ne soit disponible.

Cependant, il n’en demeure pas moins vrai que le maintien de ces arrêtés et des pouvoirs et mesures d’exception visés est incompatible avec l’article 1 du présent projet de loi, qui déclare la fin de l’état d’urgence sanitaire. En effet, les arrêtés 2022-028, 2022-029, 2022-031, 2022-032 et 2022-033 commencent par un préambule presque identique qui justifie l’existence de ces pouvoirs et mesures d’exception grâce à l’état d’urgence sanitaire déclaré en vertu de la Loi sur la santé publique :

« VU l’article 118 de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2) qui prévoit que le gouvernement peut déclarer un état d’urgence sanitaire dans tout ou partie du territoire québécois lorsqu’une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, exige l’application immédiate de certaines mesures prévues à l’article 123 de cette loi pour protéger la santé de la population ;

VU le décret numéro 177-2020 du 13 mars 2020 qui déclare l’état d’urgence sanitaire dans tout le territoire québécois pour une période de 10 jours ;

VU que l’état d’urgence sanitaire a toujours été renouvelé depuis cette date par divers décrets, notamment par le décret numéro 816‑2022 du 11 mai 2022 ;

VU que ce décret habilite également le ministre de la Santé et des Services sociaux à prendre toute mesure prévue aux paragraphes 1° à 8° du premier alinéa de l’article 123 de la Loi sur la santé publique ; […] »

L’article 2 du projet de loi nous met donc en face de l’absurdité suivante : maintenir, après la fin de l’état d’urgence sanitaire, des mesures d’exception qu’on dit légitimes, dans ces arrêtés, en raison de la déclaration et de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire et des pouvoirs exceptionnels accordés au gouvernement dans ces circonstances. Soit il y a toujours urgence sanitaire, et ces mesures et pouvoirs d’exception pourraient rester en vigueur ; soit il n’y a plus d’urgence sanitaire, et ces mesures et pouvoirs d’exception ne devraient pas rester en vigueur. La situation est rendue encore plus absurde par le fait qu’on continuera vraisemblablement à considérer que ces arrêtés sont en vigueur malgré l’adoption du projet de loi et la fin de l’état d’urgence sanitaire sur lequel ils reposent pourtant, le tout sans que ne soit modifié ce préambule. Mais les absurdités s’accumulent depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, en mars 2020, à un tel point que les Québécois sont majoritairement immunisés à l’absurdité, et que notre gouvernement peut par conséquent se rendre impunément coupable des absurdités les plus évidentes, et ce, sans qu’on doute de sa bonne foi.

Il serait beaucoup trop long d’analyser ces arrêtés un à un dans ce billet. C’est pourquoi je passe au prochain article, sans exclure de revenir plus tard, dans un autre billet, sur certains de ces arrêtés.


L’amendement fait à l’article 3 est très mineur. Il consiste seulement à supprimer quelques mots qui ne font plus sens après l’amendement de l’article 2, où la possibilité qu’un décret ministériel soit maintenu après la fin de l’état d’urgence sanitaire est exclue, ce qui n’était pas le cas avant cet amendement :

« 3. Le gouvernement peut modifier ou abroger un décret ou un arrêté visé à l’article 2 afin de permettre un allègement graduel des mesures. »

Bien qu’il puisse le faire, rien n’oblige le gouvernement à continuer à lever les mesures sanitaires d’urgence qui seront maintenues après la fin de l’état d’urgence. Au moins il ne lui est pas permis de durcir ou d’ajouter des mesures, ce qui serait plus difficile après la fin de l’état d’urgence sanitaire, mais peut-être pas impossible. C’est pourquoi j’aurais aimé qu’on interdise expressément au gouvernement de procéder à un tel durcissement ou à un tel ajout. Espérons qu’il n’aura pas l’audace, en période pré-électorale, de s’y essayer, ou encore d’imposer des mesures discriminatoires qui viseraient les non-vaccinés, en accordant des allègements seulement aux vaccinés. Mais je n’en dis pas davantage : je ne voudrais surtout pas donner de mauvaises idées à notre gouvernement.


À la suite d’un amendement, l’article 4 a été supprimé :

« 4. Le ministre peut ordonner à toute personne, ministère ou organisme de lui communiquer ou de lui donner accès immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession nécessaire pour la protection de la santé de la population en lien avec la pandémie de la COVID-19, même s’il s’agit d’un renseignement personnel ou d’un document ou d’un renseignement confidentiel.

Un document ou un renseignement communiqué ou rendu accessible en vertu du premier alinéa est réputé avoir été obtenu en application du chapitre XI de la Loi sur la santé publique. »

Grâce à cet article, le ministre de la Santé et des Services sociaux a essayé de s’approprier des pouvoirs dont disposent les directeurs de santé publique en temps normal (c’est-à-dire sans qu’il n’y ait d’urgence sanitaire), en vertu de l’article 100 de la Loi sur la santé publique :

« 100. Sous réserve de l’article 98, un directeur de santé publique peut, lorsque requis dans le cadre d’une enquête épidémiologique :

[…]

8° ordonner à toute personne, ministère ou organisme de lui communiquer ou de lui donner accès immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession, même s’il s’agit d’un renseignement personnel, d’un document ou d’un renseignement confidentiel ; […] »

Les directeurs régionaux et le directeur national de la santé publique étant sous l’autorité du ministre de la Santé et des Services sociaux, si le ministre veut obtenir des informations confidentielles et fourrer son nez partout, il pourra facilement le faire par leur intermédiaire. Voilà qui explique peut-être pourquoi le gouvernement a consenti à faire cet amendement.


L’article 5 n’a pas été amendé :

« 5. Malgré toute disposition inconciliable de la Loi sur les contrats des organismes publics (chapitre C-65.1) ou de toute autre loi ou de tout règlement, les contrats conclus par le ministre ou par un établissement de santé et de services sociaux pendant l’état d’urgence sanitaire en application du décret no 177-2020 du 13 mars 2020 (2020, G.O. 2, 1101A) et de ses modifications subséquentes qui sont toujours en vigueur à la fin de l’état d’urgence sanitaire et qui sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des cliniques de dépistage ou de vaccination peuvent être prolongés pour une période n’excédant pas le 31 décembre 2022.

Malgré ce qui précède, la durée ou la valeur de tout contrat existant ayant pour objet l’entreposage ou le transport de biens acquis pendant la pandémie de la COVID-19 peut être prolongée ou augmentée jusqu’à ce que les stocks soient épuisés. Toutefois, la durée de ces contrats ne peut excéder une période de cinq ans suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire. »

Ce qui veut dire que le gouvernement veut s’arroger le droit de continuer à déroger à la Loi sur les contrats des organismes publics, et ce, après la fin de l’état d’urgence sanitaire, alors qu’il aurait eu amplement le temps de prendre des mesures pour remédier à ces irrégularités depuis deux ans.

Outre le fait qu’en voulant se garder les moyens de continuer les campagnes de dépistage et de vaccination de la population québécoise, le gouvernement entend continuer à détourner d’importantes ressources financières et humaines des soins qui devraient être la priorité du réseau public de santé (dépister et vacciner, ce n’est pas soigner et guérir), la pandémie de « cas » positifs pourra se poursuivre en raison de la poursuite des activités de dépistage à grande échelle. Plus on dépiste, plus il y a de cas. Et c’est sans parler de la malencontreuse tendance des personnes qui se font administrer de nouvelles doses à se faire infecter et à tomber malades, ce qui incite le gouvernement à dire qu’il faut un autre dose de vaccin pour renforcer l’immunité ou l’adapter au nouveau variant du jour.


L’article 6 a été amendé pour tenir compte de la suppression de l’article 4 :

« 6. Commet une infraction et est passible d’une amende de 1 000 $ à 6 000 $ quiconque :

1° contrevient à une mesure qui a continué de s’appliquer ou qui a été modifiée par application de l’article 2 ou 3 ;

2° refuse de communiquer un document ou un renseignement que le ministre est en droit d’exiger en vertu de l’article 4 ou de lui donner accès à un tel document ou à un tel renseignement ou lui communique un document ou un renseignement qu’il doit lui transmettre qui est faux ou trompeur ou encore cache ou détruit un tel document ou un tel renseignement ;

3° par un acte ou une omission, aide une personne à commettre une infraction prévue aux paragraphes 1° ou 2° au paragraphe 1° ;

4° par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amène une personne à commettre une infraction prévue aux paragraphes 1° ou 2° au paragraphe 1°.

En cas de récidive, l’amende est portée au double. »

Non content de maintenir des mesures d’urgence après la fin de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement veut, par cet article, garder à porter de la main les amendes servant à punir les contrevenants qui ne respecteraient pas ces mesures, même si ces amendes sont elles aussi des mesures exceptionnelles reposant sur l’existence d’une urgence sanitaire. Il y a quelque chose d’indécent à l’idée de maintenir ces amendes, dont les montants sont démesurément élevés même en situation d’état d’urgence sanitaire, alors qu’on met fin à l’état d’urgence sanitaire.

Les paragraphes 3° et 4° montrent que ce ne sont pas seulement les actes qui pourront être punis, mais aussi les omissions et les paroles (encouragement, conseil, consentement, autorisation ou ordre) qui pourraient amener quelqu’un à commettre une infraction. Voilà qui ouvre la porte à une forte dose d’arbitraire. Rien ne nous assure que celui qui critique la prolongation des mesures dites sanitaires et l’autoritarisme du gouvernement ne puisse pas être condamné à une telle amende parce qu’il a invité publiquement ses concitoyens à ne pas respecter ces mesures. Et la seule critique de ces mesures et de cet autoritarisme, en tant qu’elle affaiblit l’adhésion et l’obéissance, pourrait peut-être être elle aussi considérée comme une infraction passible d’une amende.


Je ne reviens pas ici sur les articles 7 et 8, qui n’ont pas été amendés et qui sont moins intéressants. Je renvoie mes lecteurs à ce que j’ai dit d’eux dans mon billet du 25 mars 2022.


N’oublions pas que ce sera bientôt le mois de juin, et que les travaux parlementaires seront suspendus pendant tout l’été, et ne reprendront qu’après les prochaines élections, prévues à l’automne 2022. Si le projet de loi n° 28 n’est pas adopté d’ici juin par l’Assemblée nationale, le gouvernement actuel pourrait bénéficier des pouvoirs que lui procure l’état d’urgence sanitaire jusqu’aux prochaines élections, à partir de quand je crois qu’il ne lui serait plus possible de le renouveler ou de la soumettre à l’Assemblée nationale pour obtenir ce renouvellement. Entre la possibilité de continuer à vivre sous l’état d’urgence sanitaire ou le maintien de mesures d’urgence après la fin de l’état d’urgence sanitaire, nous pouvons nous demander ce qui est pire.

Remarquons aussi que rien, dans le présent projet de loi, n’empêche le gouvernement actuel de déclarer une autre fois, d’ici l’automne, l’état d’urgence sanitaire. Néanmoins c’est improbable, pour des raisons électoralistes. Mais si la Coalition Avenir Québec constitue le prochain gouvernement et obtient encore une fois la majorité parlementaire, l’état d’urgence sanitaire pourrait très bien être déclaré une deuxième fois, et prolongé indéfiniment, à compter de l’automne prochain, avant la date de péremption des mesures d’urgence maintenues jusqu’à la fin de l’année 2022. Et il ne faudrait pas voir dans l’élection d’un gouvernement d’un autre parti une garantie contre le retour de l’état d’urgence sanitaire. N’oublions pas que les principaux partis d’opposition, malgré leurs récentes protestations contre la prolongation de l’état d’urgence sanitaire et le projet de loi n° 28, ont collaboré avec le gouvernement caquiste actuel et ont même fait de la surenchère morale et du zèle sanitaire. Étant donné le caractère peu démocratique de nos institutions politiques et, sauf à l’occasion des élections, notre statut de sujets, le mieux que nous pouvons raisonnablement espérer des prochaines élections est un gouvernement minoritaire faible, qui devra constamment se disputer avec les partis d’opposition quand il s’agira d’imposer ou de prolonger des mesures sanitaires, soit qu’il n’y aura pas d’entente sur la pertinence de telles mesures, soit qu’il y aura désaccord sur la nature, l’extension et la radicalité de ces mesures.

Jusqu’à ce que la Loi sur la santé publique soit amendée et qu’il soit beaucoup plus difficile pour un gouvernement de déclarer et de renouveler indéfiniment l’état d’urgence sanitaire, nous ne pouvons pas attendre mieux de la classe politique qui nous gouverne. Malheureusement le projet de loi n° 898, présenté à l’Assemblée nationale par la seule députée conservatrice le 6 octobre 2021, n’a pas été discuté depuis le 9 février 2022 et ne sera de toute évidence jamais débattu et soumis au vote avant la fin de la présente législature, et devra donc être présenté, sous la même forme ou sous une autre, à nouveau à l’Assemblée nationale après les prochaines élections, peut-être dans des conditions plus propices à son adoption. Espérons-le, mais sans non plus nous illusionner.