À la croisée des chemins

Maintenant que la vaccination est ouverte à tous les groupes d’âge, beaucoup d’entre nous sont à la croisée des chemins. Notre tour est venu : nous ferons-nous vacciner comme on nous le recommande très-très-très fortement ou résisterons-nous aux pressions qui sont exercées sur nous par les autorités politiques et sanitaires, par les médias, par nos employeurs, par nos collègues et par nos proches ?

Ne faisant pas partie pour la plupart des personnes à risque de tomber gravement malades et de mourir si nous sommes infectés – plusieurs d’entre nous l’ont été en ayant seulement des symptômes bénins, ou sans avoir de symptômes, ou sans même s’en apercevoir –, il ne s’agit pas avant tout de nous faire vacciner pour nous protéger du virus. Non, il s’agit surtout d’obtenir des assouplissements des mesures sanitaires par l’atteinte des objectifs vaccinaux pour tous les groupes d’âge. Beaucoup d’entre nous décideront de se faire vacciner (si ce n’est pas déjà fait) pour qu’une sorte de « retour à la normale » soit possible et pour pouvoir être libres à nouveau. Il importe assez peu de savoir exactement en quoi consisteront ces assouplissements et ce gain de liberté : ils souhaitent une amélioration quelconque, s’en remettant au bon jugement des autorités politiques et sanitaires pour nous proposer un plan de déconfinement que nous n’avons pas encore vu, et dans lequel lesdites autorités se laisseront vraisemblablement une assez grande marge de manœuvre afin de pouvoir décider, en fonction de l’idée qu’elles se feront ou qu’elles se plairont d’avoir de l’évolution de la situation, s’il est pertinent ou non d’accorder les assouplissements promis, ou s’il est préférable de les reporter ou de les annuler. C’est que le point de comparaison à partir duquel ces personnes jugent de la nouvelle normalité qu’on leur fait miroiter est la normalité d’après la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, et non la normalité d’avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire. Voilà un an que les rassemblements sont interdits ou fortement réglementés, que les écoles primaires et secondaires et les commerces non essentiels sont régulièrement obligés de fermer leurs portes pour quelques semaines, que les établissements d’enseignement supérieur sont obligés de prioriser l’enseignement par vidéoconférence, que les travailleurs de bureau sont pour la plupart dans l’obligation de faire du télétravail (avec les enfants à la maison, quand les écoles sont fermées), que d’autres sont dans l’impossibilité de travailler et survivent grâce à l’aide du gouvernement, que la situation des petits entrepreneurs se dégradent, qu’il n’est plus possible d’aller au restaurant et très compliqué de voyager. Alors ces personnes se disent qu’après que seront atteints les objectifs vaccinaux des gouvernements, ça sera forcément mieux, bien qu’elles ne sachent pas exactement de quelle manière et jusqu’à quel point. Nous pourrons enfin recommencer à vivre un peu normalement après ces « dix-huit mois de merde », se disent-elles. Et même quand elles envisagent l’apparition de nouveaux variants contre lesquels les vaccins seraient moins efficaces ou inefficaces, ainsi que des vagues épidémiques saisonnières qui exigeraient un retour de mesures sanitaires plus ou moins contraignantes et une nouvelle campagne de vaccination de toute la population, elles se consolent en se disant qu’un répit de quelques semaines ou de quelques mois, c’est mieux que rien. Ça sera toujours ça de gagner.

Les autres – beaucoup moins nombreux – évaluent la situation d’après d’autres critères. La vaccination de toute la population ne leur semble pas être un chemin qui mène à la liberté. Pour eux, les pressions qu’on exerce sur eux pour qu’ils se fassent vacciner, et qui s’intensifieront au cours des prochaines semaines et des prochains mois, sont la prolongation et même l’aboutissement de toutes les mesures contraignantes qu’on impose à la population depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire. Ils ne voient pas pourquoi ils devraient accepter de se faire vacciner dans l’espérance de retrouver leur liberté. C’est à leurs yeux une sorte de prise d’otages. « Faites-vous vacciner, sinon les mesures sanitaires continueront, ou encore vous serez privés des assouplissements qui seront accordés aux personnes vaccinées. » Ce n’est pas ainsi qu’on s’adresse à des personnes libres. C’est ainsi qu’on s’adresse à des prisonniers auxquels l’on promet un adoucissement de leurs conditions de détention ou l’éligibilité à la libération conditionnelle. C’est ainsi qu’on s’adresse à des enfants auxquels on promet une récompense (souvent minable) s’ils sont obéissants. Comme ces individus évaluent la situation à venir en prenant comme point de comparaison la normalité d’avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, ils ne sauraient se contenter des allègements que le gouvernement autorisera peut-être si selon lui la situation le permet, reconnaître aux autorités politiques et sanitaires et aux employeurs le droit de s’ingérer dans leurs affaires et de disposer à leur gré de leurs personnes, se faire imposer la vaccination comme condition de leur liberté, et rester indéfiniment à la merci des autorités politiques et sanitaires qui continuent de bénéficier des pouvoirs accrus qu’elles se sont accordés à elles-mêmes en déclarant l’état d’urgence sanitaire. Même un retour à la normalité d’avant, avec la fin de l’état d’urgence sanitaire, ne suffirait pas pour eux, car il n’y a pas de véritable liberté aussi longtemps que ces autorités disposent toujours du droit de déclarer l’état d’urgence sanitaire, pour quelle que raison que ce soit. Un tel retour à la normalité d’avant ne serait pour eux qu’une occasion d’essayer de retirer aux autorités le droit de déclarer à nouveau l’état d’urgence en profitant de l’apparition d’un nouveau variant jugé plus contagieux et plus virulent et d’une nouvelle vague épidémique qu’il pourrait provoquer.

Ceux qui lisent régulièrement ce blog ne seront pas surpris d’apprendre que j’appartiens à la deuxième catégorie de personnes. Et je suppose la même chose de la plupart d’entre eux, bien qu’ils puissent aussi y avoir quelques hésitants parmi eux.

Compte tenu de la promotion gouvernementale et médiatique qui a pour objet la solution vaccinale, il ne faut pas nous illusionner : à moins d’un événement imprévu qui ferait basculer de notre côté une partie importante de nos concitoyens, nous ne constituerons pas une proportion assez importante de la population pour qu’on n’exerce pas sur nous des pressions croissantes pour nous contraindre à la vaccination, quitte à nous priver des assouplissements des mesures sanitaires dont profiteront les personnes vaccinées et à nous imposer de nouvelles mesures plus sévères que celles imposées à toute la population depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire.

Je ne veux pas dire par là que nous devons arrêter d’organiser des manifestations et abandonner la guerre que nous menons sur le terrain de l’information et de l’opinion. Le seul fait de savoir que nous existons, que nous sommes radicalement opposés au mode de « gestion de la crise sanitaire » qu’ont choisi nos autorités, et qu’elles peuvent s’attendre à une résistance farouche d’une partie de la population qu’elles ne sont pas capables d’évaluer avec précision (5 %, 10 % ou 15 % ?) si elles décident d’imposer de nouvelles contraintes spécialement conçues pour nous, peut certainement modérer leurs ardeurs. Comme le fait de savoir que nous militons pour accroître notre nombre. Les efforts faits par le gouvernement et les grands médias pour nous dénigrer ou pour nous ignorer prouvent qu’on ne nous tient pas pour quantité négligeable, et que dans une certaine mesure on craint notre influence. Même si ces procédés peuvent être irritants, ils sont aussi encourageants, à leur manière. Il faut y voir une manière de nos adversaires de reconnaître à leur insu que nous disposons d’une certaine puissance. Autrement, ils ne mettraient pas toute cette énergie et ils ne mettraient pas en œuvre tous ces moyens pour lutter contre nous.

Ceci dit, il ne serait pas non plus réaliste et prudent de supposer que cela suffira à nous protéger des exactions dont nous pourrions être la cible, soit que le gouvernement décrète des mesures nous visant spécialement, soit que nos employeurs décident de nous sanctionner pour notre refus de nous faire vacciner. Il importe donc de trouver d’autres formes de résistance qui nous permettrons de dépasser l’alternative suivante : ou bien céder aux pressions, ce qui risque de nous faire perdre notre combativité, de nous faire rentrer dans les rangs et de nous dégrader moralement et existentiellement ; ou bien commettre un suicide professionnel qui aurait pour seul effet de nous exclure encore plus de la société (ou de ce qu’il en reste) et de nous mettre dans une situation précaire, sans contribuer à l’amélioration de la situation.

C’est un secret de polichinelle que de nombreux employeurs (je parle surtout de ceux qui ont au moins quelques dizaines d’employés, et encore plus de ceux qui en ont des centaines ou des milliers) se préparent à exercer toutes sortes de pressions sur ceux de leurs employés qui refuseraient de se faire vacciner. De grandes entreprises donnent la possibilité à leurs employés de se faire vacciner au travail, ce qui peut leur permettre de savoir qui n’a peut-être pas été vacciné. D’autres entreprises offrent des primes aux employés vaccinés, ce qui est une autre manière d’identifier – par la négative – les employés non vaccinés. Enfin, d’autres employeurs, par exemple dans les secteurs public et communautaire, font une campagne de sensibilisation à la vaccination et vont parfois jusqu’à demander directement aux employés non vaccinés de prendre un rendez-vous dès que possible pour remédier à la situation. Il arrive aussi que des employés demandent à l’administration de rendre obligatoire la vaccination de leurs collègues. Si nous en sommes déjà rendus là alors qu’une grande partie de la population active n’est pas encore vaccinée et que beaucoup travaillent à partir de la maison, qu’est-ce que ce sera quand la majorité de ces groupes d’âge sera vaccinée et quand on mettra en œuvre le plan de retour au travail, prévu au plus tôt pour l’automne 2021 et au plus tard pour l’hiver 2022 ? Selon ce que le gouvernement décrétera, la suspension sans solde et le congédiement des employés qui refusent d’être vaccinés et de se soumettre à un dépistage préventif récurrent ne sont pas à exclure dans certains milieux de travail.

Alors que faire si vous n’avez pas l’intention de céder et de reconnaître le droit au gouvernement et à votre employeur de disposer de votre personne et de décider des injections qu’il vous faut recevoir ? Je réponds : à la guerre comme à la guerre !

D’abord, il faut établir un rapport de force avec votre employeur d’ici l’automne. Si vous êtes le seul à disposer d’une certaine expertise dans votre milieu de travail, cela sera encore plus facile. Pensez aussi à tirer profit de la surcharge de travail, si elle existe déjà. Si possible, efforcez-vous d’occuper une position stratégique dans votre organisation et d’y jouer un rôle essentiel lors de la réouverture des milieux de travail. Engagez-vous dans toutes sortes de projets, pensez à long terme, etc. Laissez vos supérieurs planifier en conséquence. Faites qu’ils engagent aussi leur propre responsabilité vis-à-vis de clients importants et de leurs supérieurs. Alors qu’ils essaient peut-être de repérer les employés qui ne veulent pas être vaccinés, ils ne vous en soupçonneront que moins. Ils seront impressionnés par votre dynamisme. S’ils vous demandent si vous êtes vacciné, répondez-lui que oui ou dites que vous prendrez bientôt un rendez-vous de vaccination. Demandez l’autorisation de vous absenter du travail pour rendre votre vaccination encore plus crédible. Si vous êtes d’humeur, brodez une histoire à partir de ce que vous ont raconté vos collègues et vos proches qui ont été vaccinés. Pour tromper votre employeur, profiter de la représentation trompeuse des « antivax » entretenue par les autorités et les médias, selon laquelle presque toutes les personnes qui persisteraient dans leur refus d’être vaccinées seraient des demeurées de la pire espèce. Consolidez votre position dans votre milieu de travail et, si possible, faites des économies jusqu’à ce que l’on vous demande formellement une preuve de vaccination, ce qui sera peut-être accompagné de menaces de sanctions disciplinaires si vous n’obtempérez pas. Si on vous laisse un délai de quelques semaines pour vous conformer à cette obligation, il peut être avantageux de ne pas dire immédiatement que vous n’avez pas l’intention d’obtempérer. Retournez contre vos supérieurs la pression que l’on cherche à exercer sur vous. Faites leur comprendre qu’ils se trouvent dans une situation où il sera aussi désavantageux pour eux de vous suspendre ou de vous renvoyer, que ça l’est pour vous. Si l’obligation vaccinale a été décidée par votre employeur, on y pensera peut-être deux fois avant de sévir contre vous et on cherchera peut-être un accommodement, même si on gardera certainement une dent contre vous et cherchera peut-être à vous remplacer à la première occasion ou à diminuer la dépendance de l’organisation envers vous. Si votre employeur vous congédie malgré tout – soit par zèle sanitaire, soit parce que l’obligation vaccinale est imposée par le gouvernement –, assurez-vous qu’il en fasse les frais et que vos supérieurs perdent un bras dans le processus. Si vous êtes plutôt suspendu sans solde, à vous de voir s’il est plus avantageux de dire immédiatement à votre employeur que vous pouvez supporter facilement cette sanction, ou de le garder dans l’incertitude jusqu’à la fin de cette sanction, ou de jouer la comédie en faisant semblant d’être affecté par cette sanction, pour faire volte-face au dernier moment.

Si la même situation se produit avec plusieurs employés dans un court laps de temps, cela refroidira peut-être le zèle sanitaire de votre employeur et de vos supérieurs. Leur intérêt aidant, ils prendront peut-être de la distance vis-à-vis de cette obligation et peut-être finiront-ils par s’opposer à elles dans des milieux de travail où elle est difficilement justifiable et comporte des inconvénients pour eux.

La question de vos rapports avec vos collègues a aussi son importance.

Si vous ne pouvez pas vous fier à vos collègues, arrangez-vous pour que la charge de travail supplémentaire qu’ils auront à assumer en raison de votre suspension ou de votre congédiement soit insoutenable. Il sera alors dans leur intérêt de ne pas se retourner contre vous, et même de réclamer votre retour, s’ils constatent que vous persistez dans votre décision de ne pas vous faire vacciner malgré votre suspension. Peut-être menaceront-ils de quitter si leur charge de travail reste la même parce qu’il n’est pas possible de vous remplacer avant plusieurs semaines ou quelques mois, à quoi il faut ajouter le temps de formation du remplaçant qu’on devra trouver en vitesse et qui ne sera pas forcément compétent ou suffisamment expérimenté pour prendre rapidement la relève. Comme vos supérieurs, vos collègues en viendront peut-être à prendre de la distance vis-à-vis de l’obligation vaccinale. C’est parce qu’on leur a rendu la vie très pénible depuis plus d’un an qu’ils se retrouvent à adhérer à cette obligation. Si on leur rend le retour au travail très pénible à cause de cette obligation, et à cause d’une foule de mesures sanitaires pointilleuses, cette adhésion pourrait s’en retrouver affaiblie, surtout dans des milieux de travail où elle est plus difficile à justifier.

Si vous avez des collègues de confiance qui ne veulent pas se faire vacciner, liguez-vous. Mais attendez le moment propice pour exercer des pressions sur votre employeur. Et évitez de laisser des traces écrites de vos tractations, surtout en utilisant les comptes de messagerie électronique de votre employeur. Méfiez-vous même des discussions par vidéoconférence, surtout en utilisant des comptes professionnels. Maximisez les inconvénients pour votre employeur et vos supérieurs qui résulteraient de votre suspension ou de votre congédiement simultané.


Il y a assurément quelque chose de risqué dans la voie que je propose. Nous pourrions perdre notre emploi et avoir de la difficulté à en trouver un autre, dans un contexte économique qui s’annonce fort mauvais. Et la raison pour laquelle nous aurions perdu notre emploi pourrait rendre encore plus difficile la recherche d’un autre emploi, à moins de mentir aux entreprises auprès desquelles nous sollicitons un emploi.

Mais l’autre voie a aussi ses risques. Outre les effets secondaires à court terme des vaccins qui sont beaucoup plus fréquents que les vaccins antigrippaux traditionnels, outre les effets secondaires à moyen terme et à long terme qui sont inconnus pour l’instant et qui pourraient le demeurer si nos autorités étaient négligentes et manquaient de transparence en matière de pharmacovigilance, il y a aussi le risque que la vaccination contre la COVID-19 et ses variants doive être renouvelée tous les ans dans certains milieux de travail, sans compter le risque que cette obligation s’étende à d’autres maladies, déjà existantes ou à venir, une fois qu’on aura établi ce précédent sans provoquer des heurts et de la résistance. Le pouvoir exercé sur nous par les autorités politiques et sanitaires et par nos employeurs s’étendrait ainsi peu à peu, et les promesses de liberté devant résulter de la vaccination deviendraient alors une plaisanterie lugubre.

Laquelle de ces deux voies est la plus belle ? Celle qui accorde une place importante au goût de l’aventure et par laquelle s’exprime un esprit de liberté ? Ou celle qui n’est que résignation et obéissance ?